« La toile d’araignée », adapté par John Paxton d’un roman de William Gibson, se présente au premier abord comme une étude sur le monde psychiatrique. De fait le film traite essentiellement de notre société avec ses tares : arrivisme, autoritarisme, jalousie et quelque part, incommunicabilité. Vincente Minnelli filme avec une rare élégance et une efficacité certaine (remarquable utilisation du Cinémascope) un encadrement psychiatrique au moins aussi névrosé que les patients qu’il a en charge. L’établissement est à la charge d’une glaciale administratrice qui se déplace une journée par an de la lointaine Chicago, uniquement pour traiter d’autorité et de finances, l’humain étant le cadet de ses soucis. Il est dirigé par un couple de praticien se composant d’un thérapeute (Richard Widmark) si investi dans son métier qu’il en oublie sa famille et d’un séducteur qui a perdu le fil de l’évolution de son métier (Charles Boyer), basculant dans l’obsession sexuelle. A partir de là, toutes les turpitudes vont être exposées, chacun fuyant à des degrés divers, la réalité de sa situation dans le contexte qui l’entoure, a tel point qu’en matière de malades mentaux on ne sait plus qui est qui. Le prétexte du film, changer les rideaux, rencontre un thème récurrent chez le cinéaste l’art et le rêve permettant de transcender une réalité difficile et, ici, névrotique. S’ouvre ainsi une exposition de dessins avec un travail raffiné sur la couleur et les décors, qui sont la marque du réalisateur. De même son habituelle direction d’acteur très pointue amène chacun au top, dominé toutefois par le génial Richard Widmark. Mais cet objet subtil et luxueux manque quelque peu de punch, affadissant sa critique de la réussite et du (micro) pouvoir à tout prix au détriment d’une humanité que le réalisateur s’efforce de replacer au centre. Huit années plus tard, avec « Shock Corridor », Samuel Fuller sera beaucoup moins bien élevé.