Viens faire un tour chez moi, dans ma tour de Babel

Des choses gentilles à dire sur ce film :

La tour raconte comment s’organisent les habitants d’une tour de banlieue piégés à l’intérieur du bâtiment par un voile de néant qui avale tous ceux qui le touchent. La tour raconte comment une société déjà bien friable se désagrège complètement en l’espace de quelques jours. La tour ne raconte rien de nouveau : des humains en vase clos qui en viennent rapidement à se défoncer plutôt que d’essayer de trouver une solution ensemble, ou de profiter au maximum du temps qu’il reste dans la joie et la sérénité... Mais le raconte bien.

Si le film de Guillaume Nicloux ne prend pas de court, il arrive dans l’ensemble à prendre aux tripes. Le réalisateur montre une bonne maîtrise de l’espace et du temps. C’est clair, c’est net, c’est rapide. Passé 5 minutes, on est dedans. Et tout s’enchaîne très vite. De plus en plus vite. D’ellipse en ellipse on devine les jeux de pouvoir se modifier, on voit les personnages régresser, tandis que tout autour, l’espace se réduit et les perspectives disparaissent.

Le choix de narration est malin, il évite aux spectateurs et spectatrices de s’attarder sur les incohérences et les défauts inhérents à un film concept de ce type. Les habitants de la tour développent l’élevage et le commerce de chiens et de chats pour se nourrir ? L’image est marquante... quant à savoir comment eux-mêmes sont nourris tandis que les ressources diminuent, la scène suivante balaiera l’interrogation avant même qu’elle ne devienne gênante. Une fuite en avant cinématographique ? Oui.

Mais pas que... il maintient aussi une tension constante et une âpreté qui fait plaisir. Ce parti pris fonctionne de paire avec une caractérisation des personnages hyper simple. De la vie des personnages avant apocalypse, on ne sait rien et ça semble totalement anodin tant ils sont caractérisés et définis par les événements qu’ils vivent. L’individu disparaît d’emblée complètement pour ne laisser place qu’à un instinct grégaire biaisé et une recherche de sécurité mortifère. Et c’est fascinant.

Assez proche de The divide dans ses thématiques et ses mécanismes, La tour se montre punchy là où le film de Xavier Gens se traînait un peu trop tout en faisant la part belle à la décrépitude et la dégénérescence. C’est précisément ce qui manque le plus dans le film de Nicloux : les personnages ont en général aussi l’air maladifs et affamés que des lycéens privés de goûter.

Hum... ce film ne compte assez d'ingrédients pour jouer au bingo avec une grille de 36 cases, mais voilà quand-même les 8 ingrédients repérés

Personnage > Caractéristique

Blues > Suicidaire

Personnage > Méchant·e

Mort > Stupide

Réalisation

Habillage > Incrustation de texte sur l’écran : lieu, date, heure, etc.

Réalisation > Accessoire et compagnie

Tension > Gros plan sur les aiguilles d’une horloge qui avancent

Scénario > Ficelle scénaristique

Plus de réseau téléphonique

Scénario > Situation

Passion > Moment d’intimité interrompu

Thème > N’importe quoi

Scientifiquement non prouvé > Physique des matériaux soumise à rude épreuve

Thème > Sexisme hostile à l’égard des femmes

Objectification sexuelle > Nichons, fesses

---

Barème de notation :

  • 1. À gerber
  • 2. Déplaisir extrême et très limite sur les idées véhiculées
  • 3. On s'est fait grave chier
  • 4. On s'est fait chier mais quelques petits trucs sympas par-ci par-là
  • 5. Bof, bof ; pas la honte mais je ne le reverrais jamais ; y'a des bons trucs mais ça ne suffit pas
  • 6. J'ai aimé des trucs mais ça reste inégal ; je pourrais le revoir en me forçant un peu
  • 7. J'ai passé un bon moment ; je peux le revoir sans problème
  • 8. J'ai beaucoup aimé ; je peux le revoir sans problème
  • 9. Gros gros plaisir de ciné
  • 10. Je ne m'en lasserais jamais
IncredulosVultus
7

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Créée

le 11 févr. 2024

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