Comment adapter La Tour Sombre ? Cette question hante mon esprit depuis que j’ai fini de lire cette série de bouquins en décembre 2020. La Tour Sombre de Stephen King est un monument littéraire de quatre mille pages, c’est pas une saga parfaite, mais quand on le met dans le contexte de l’œuvre de son auteur, cette histoire de sept livres résonne comme l’aboutissement le plus total. Pour la jouer courte, tous les livres de Stephen King sont reliés et La Tour Sombre, c’est la série qui va se reposer sur l’ensemble du travail de l’auteur. Des personnages ont le shining, mais comme le concept a déjà été expliqué dans le roman de base, pas besoin de le refaire dans La Tour Sombre, on y retrouve des personnages de romans comme Salem ou Le Fléau, on évoque des entités surnaturelles comme La Tortue de It, etc. En fait, je me dis que ce serait passionnant de créer une sorte de King Cinematographic Univers où tous les films seraient reliés les uns aux autres et où La Tour Sombre serait le Avengers du KVC.
Mais non ! A la place, on a eu un film d’1h30 pas très intéressant. Et c’est putain de frustrant. Parce que *La Tour Sombre* le film… bah c’est quand même un sacré crachat au visage à tous ceux qui ont aimé le roman de King. Le film fait absolument tous les mauvais choix d’adaptation. Et je dis pas ça en tant que fan du roman, mais à chaque fois que le film doit reprendre le bouquin, il rate le coche. Que ce soit l’écriture des personnages, leurs objectifs, ou même tout simplement l’univers global, absolument TOUT sonne faux. Et en même temps…merde vous l’avez lu le livre de King ? Comment parvenir à retranscrire un tel univers ? C’est des dimensions qui s’entrecroisent via des passerelles, y a des démons, des vampires, des Pistoleros déchus, des voyages temporels, des 4em mur brisés à tout bout de champ. Le défi de rendre tout ça cohérent est raté, mais face à l’ampleur d’un tel travail, je suis prêt à pardonner ça.
Donc voilà, j’oublie qu’ils ont annihilés tout ce qui faisait la sève du bouquin, les relations entre les personnages, l’effort de King pour rendre son héros non-manichéen (c’est à dire que Roland à la base, il s’en fout de sauver le monde, lui, il veut juste voir la Tour de ses propres yeux). J’oublie tout ça, maintenant, que propose le film ? Et bah pas grand chose vu qu’ils ont tout retiré du bouquin ! Du coup ce sera : méchant Walter veut détruire la Tour Sombre pour dominer le monde et gentil Roland et gentil Jake qui vont tout faire pour l’en empêcher (pardon ? Et Eddie, Susannah, Callahan on s’en fout ?). C’est pauvre, c’est banal, c’est déjà vu et comme le film ne dure qu’une heure trente, on fonce tête baissée dans l’intrigue sans jamais prendre le temps de développer les personnages. Même la relation père / fils sensée s’installer entre Roland et Jake semble oubliée. Le film ne fait qu’effleurer des idées sans jamais les développer davantage, on évoque le Roi Cramoisi sans nous le montrer, on nous dit que Walter a tué tous les compagnons de Roland, mais jamais on parle de Ka-Tet, jamais on évoque l’impact que ça a eu sur Roland. Jake perd sa famille et quand le méchant est mort, c’est bon, tout est beau dans le meilleur des mondes. A aucun moment, le film ne parvient à créer une tension, voir même une thématique à son récit. C’est l’éternel sauvetage du monde contre le méchant qui veut le détruire. Et ça fait chier !
Côté récit et scénario, c’est raté. Les acteurs alors ? Pas investis, pas concernés. Le rythme ? Bâtard, inégal, l’intro est intéressante, le développement est long, chiant, sans intérêt et le climax se fait en cinq minutes.
Heureusement que les scènes d’actions et la photographie sauvent le film, sinon, ç’aurait été un naufrage total. Là par contre, rien à redire, j’aime plutôt bien le cachet qu’ils ont donné à l’entre-deux monde, à mi-chemin entre futuriste et moyenâgeux, entre le moderne et le déchu, j’aime aussi beaucoup les costumes, notamment celui d’**Idris Elba** qui en jette. Les chorégraphies de combats fonctionnent du feu de dieu, c’est parfois très cutté mais en règle général, il y a des tirs au revolver qui sont vraiment classes et ils procurent quelques frissons. C’est dommage que le film soit si peu généreux en décors et scènes d’actions. Parce que finalement, des visuels sur l’entre-deux monde et même sur la Tour Sombre (qui doit avoir droit à cinq ou six plans de tout le film), j’en redemande.
Donc voilà, *La Tour Sombre* le film, c’est quelques bonnes idées visuelles au service d’un scénario absolument nul à chier. C’est d’autant plus frustrant quand on connaît le bouquin et à quel point les personnages sont bien écrits. C’est probablement l’adaptation la plus regrettable d’un roman de King. En tout cas, moi, je vais faire un peu germer mon idée de KVC, p’tet que des producteurs seront intéressés.