La comédie française telle qu’on la connaît, et à quelques exceptions près, semble tellement sclérosée et dans un cul-de-sac depuis quelques années, qu’à chaque nouvelle sortie du genre on a un peu peur. Alors quand celle-ci traite des jeunes de cités, que l’on voit l’affiche et la distribution et que l’on lit le synopsis en détail, il faut avouer qu’on n’est pas rassuré avant d’entrer dans la salle. Mais il faut parfois faire abstraction des idées préconçues et tenter quand même car elles ne sont pas toutes à mettre dans le même panier ou semblables à des étrons tel que le récent « Les SEGPA ». Un navet qui a malheureusement bien fonctionnée en salles, ce qui risque de conforter certains producteurs vénaux dans leurs choix. « La Traversée » est une comédie sympathique sans plus certes au niveau des éclats de rire mais c’est un film réussi qui fait passer un bon moment et dont presque tous les versants sont soignés et faits avec un amour sincère pour le sujet.
En effet, dès lors que l’on a passé une courte mise en place quelque peu classique, attendue et peu engageante, le charme opère. Une fois sur le voilier, les choses se mettent en ordre, le long-métrage laisse filtrer sa voie plutôt engageante et nous laisse entrevoir une gentille petite comédie pleine de belles valeurs édictées avec finesse et sans démagogie lourde et prévisible. L’idée de confiner l’action du film sur un bateau en pleine mer, entre le huis-clos et le road-movie, pour confronter deux systèmes de valeurs diamétralement opposés de prime abord était risquée. Mais Varante Soudjian parvient à optimiser son décor peu commun et à nous offrir les plus belles images qui soient d’une traversée en Méditerranée. Les plans de coupe sur la mer sont superbes, l’escale marocaine permet d’aérer le film comme il faut et les images sont soignées. On est loin de ses deux précédentes réalisations, proches du navet (« Walter » et « Inséparables »), et il faut également souligner que le raffinement visuel n’est pas si courant dans les comédies françaises de ce type. Du côté du rythme c’est parfaitement dosé, « La Traversée » enchaînant les péripéties et les séquences d’intérêt de manière plus que cadencée et elles sont nombreuses mais tout en restant réaliste et juste.
La distribution est bonne et cela fait plaisir de voir un Alban Ivanov dans un contre-emploi où il excelle. Bien dirigé et quand on ne le laisse pas en roue libre c’est un excellent comédien. On découvre aussi Audrey Pinault, au top, tandis que les jeunes sont impeccables de naturel mais c’est le jeune Moncef Farfar (vu dans le sublime « Mes frères et moi ») qui écrase le casting avec son charisme tantôt lunaire, tantôt solaire. Petite réserve sur Lucien Jean-Baptiste qui joue une partition qu’il connaît par cœur et finit par lasser, tellement il en fait parfois trop de manière exagérée. « La Traversée » réussit en outre à déjouer pas mal de clichés inhérents à la banlieue ou sur la police tout en mettant l’accent sur la notion du vivre ensemble, peu importe qui l’on est et d’où l’on vient. Rien n’est caricatural et le film réserve de jolies scènes plus touchantes qui alternent avec les répliques qui fusent et de sacrées réparties entre les forces en place. On touche à un tas de sujet de société qui sont abordés avec clarté et simplicité. Finalement, c’est une bonne surprise, qui évite le total happy-end même si la morale finale semble un peu utopique et niaise. Le bon moment recherché est bien là et c’est ce que l’on demande.
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