Prises individuellement, ces trois vies vous feront verser des larmes, car ce sont trois parcours qui font résonner les trompettes du féminisme, quoique dans des contextes différents : indépendance et autonomie, volonté de survivre pour sortir de sa condition.
Cependant la réalisatrice ne met pas du tout l'accent sur les asymétries qui séparent nos trois protagonistes.
Ce film, en usant du symbole des cheveux qui représente force et pouvoir, est extrêmement révélateur du fonctionnement de la société libérale qui fait son profit des asymétries : production en Inde, transformation en Sicile, consommation au Canada !
Les trois personnages semblent sortir gagnantes de ce cercle économique que la réalisatrice nous présente comme vertueux. Trois vies dissymétriques, avec de réelles différences de statut. Inévitablement, cela change le regard.
Car, la réalisatrice - auteure fait abstraction du don via la religion, donc non rémunéré, de la toison des deux croyantes Hindous, chevelures financièrement exploitées par les religieux.
Laetitia Colombani met également l'accent sur la sauvegarde de l'emploi en Sicile, via une coopération des actrices et acteurs de terrain, nous permettant de constater avec tristesse que les entrepreneurs exploitent toujours plus pauvres qu'eux.
Dans son malheur, l'avocate canadienne a le pouvoir de s'acheter la sueur sicilienne et la misère indienne pour son confort esthétique légitime quand on lutte face à l'arrêt de l'arbitre !
Drôle de morale !
Oserai-je ?: Serait-ce la partie "feel good" de la réalisatrice ?
L'idée de tresser ces trois brins de vie est excellente.
Cependant, plus qu'une tresse, la réalisatrice nous offre une torsade tant les données sont tordues dans leur traitement analytique déséquilibré.
Cycle infernal de l'exploitation et de la férocité du monde.
Ancelle, le 4 février 2024