J'ai lu une critique de presse qui traitait ce film de "western banal et sans éclat, où le réalisateur n'a pas su utiliser un brillant casting", et ici sur la fiche SC, j'ai vu des notes très basses ; comme je ne l'avais pas revu depuis très longtemps et que je l'avais noté de mémoire, je me demandais si je n'avais pas fait une erreur. En le revoyant hier soir, je suis rassuré, mon jugement d'adolescent était bon, même si encore une fois la chaîne CinéClassic n'a pas cadré le format Cinemascope en 16/9 et qu'il s'agissait d'une mauvaise copie au grain flou. Sans parler de la VF qui s'entête à nommer le personnage de Burt Lancaster Robert Daybright alors que son prénom est Owen...
Si le cadre classique du western n'était pas là, on se croierait dans un vrai mélo car nous sommes bien dans un mélo de l'Ouest ; dans les années 50, les drames familiaux ont été souvent traités dans le western, notamment dans la Lance brisée, la Loi de la prairie ou le Vent de la plaine... il s'agissait de donner du crédit aux westerns pour qu'ils ne soient pas réduits à des conflits entre fermiers ou des guerres indiennes où fourmille l'action. De fait, la Vallée de la vengeance mêle au cadre traditionnel du Far West une intrigue mélodramatique avec des ressorts dramatiques très adultes pour l'époque ; on peut voir cette intrigue comme une sorte de variation de Caïn et Abel, puisque 2 frères se retrouvent rivaux, avec un bon incarné par Burt Lancaster et un moins bon incarné par Robert Walker qui endosse un rôle à la Arthur Kennedy, sorte de méchant qui ne l'est pas vraiment et vers lequel le public peut s'apitoyer. Ainsi, le scénariste s'est plu à décrire des héros inhabituels auxquels Richard Thorpe, homme à tout faire de la MGM, qui a touché à tous les genres, a réussi à donner vie à un Far West d'où surgissent toutes les rivalités. Il s'agit de son avant-dernier western.
Burt Lancaster tourne quant à lui, son premier western et trouve un personnage à la fois énergique et sensible ; il donne même de sa personne avec 2 solides bagarres, dont une avec John Ireland dans une grange, accroissant en même temps le côté réaliste de ce western par sa violence sèche et brute. A ses côtés, un beau casting avec Joanne Dru en épouse bafouée, et qu'on vit beaucoup dans le western, Robert Walker qui campe le vaurien hanté par la présence d'un frère qui couvre ses frasques (l'acteur trouve ici son avant dernier rôle, il devait décéder en 1952 d'une crise cardiaque). On a aussi Hugh O'Brian et John Ireland (2 frères vengeurs), celui-ci en sublime bad guy, qui retrouvera Burt dans Règlement de comptes à OK Corral, tout comme le second couteau Ted de Corsia.
Au final, c'est une série B sans génie mais d'une très honnête facture, avec de beaux plans de paysages tournés dans le Colorado, orchestrée à une époque où le western psychologique n'était pas encore à la mode, par un réalisateur qui connait son métier, et je peux donc conserver ma note sans regret.