Lorsqu'on regarde un western avec Randolph Scott (c'est mon dix-huitième, je dois être un grand malade !), on sait qu'on peut s'attendre au mieux à une sympathique pépite oubliée, au pire à un divertissement passable. La Vallée maudite, production de la Columbia datant de 1947, appartient clairement à la première catégorie. Tourné en grande partie en décors naturels autour de Sedona, dans l'Arizona, le film de George Waggner bénéficie déjà d'un beau Cinecolor qui met parfaitement en valeur les formations rocheuses rouge vif typiques de la région. On a aussi droit à quelques belles scènes d'action efficaces : une poursuite à cheval sans transparences et pas trop accélérée, et la classique bagarre aux poings qui se termine comme de droit, pour le vaincu, la tête dans l'abreuvoir à chevaux.
Mais au-delà de ça, le scénario concocté par Alan LeMay à partir du bouquin Twin Sombreros de Zane Gray se révèle étonnamment novateur. Si la trame du gunfighter condamné à être défié par des quidams en quête de gloire est aujourd'hui classique (La Cible humaine d'Henry King, avec Gregory Peck, reprendra avec maestria ce thème quelques années plus tard), Randolph est ici obligé de descendre son meilleur ami, qui voulait « juste voir qui était le plus rapide »... Dégoûté des armes, le héros quitte le patelin où il s'était établi en laissant derrière lui ses flingues et sa vie de merde, pour se rendre dans un ranch où travaille son pote Bob Tyrrell. En arrivant, il ne trouve que le cadavre de son copain, fraîchement abattu. Parti avertir les autorités, il est accusé du meurtre et n'échappe que de peu à une pendaison expéditive. Sur fond de conflit entre un baron du bétail et des petits éleveurs, il mène à grand pas son enquête pour retrouver les assassins, qui ont laissé des traces sur les lieux du crime...
Agréable divertissement, La Vallée maudite étonne par le caractère plutôt sombre d'un scénario conçu comme un plaidoyer appuyé contre les armes à feu. Malgré son éternelle allure de grand empoté, ce bon vieux Randy excelle dans sa deuxième collaboration avec le producteur Harry Joe Brown, à la suite de laquelle les deux hommes s'associeront. Bruce Cabot et Forrest Tucker campent des méchants convaincants, et les ravissantes Barbara Britton et Dorothy Hart incarnent pour notre plus grand plaisir deux sœurs que tout oppose... à part la beauté !