Rollin inaugure sa plus belle période (de 70 à 75) avec cette Vampire Nue qui définira le meilleur de son style, entre surréalisme fauché et morbidité soignée.
Tout commence dans le silence, dans l'élégance feutrée d'un hôtel particulier de l'île Saint-Louis. La nuit règne et ne lâchera jamais son emprise sur le récit ; normal si l'on veut raconter une histoire de vampires. Sauf que celle de Rollin s'inscrit à la fois dans un contexte romantique et moderne, dans une sorte d'espace-temps assez unique où les années 70 semblent parfois emprunter à la distinction des siècles classiques et que sa buveuse de sang ressemble plus à une fraîche étudiante un peu perdue dans le noir qu'à mort-vivant aux canines aiguisées. Car évidemment, Rollin manifeste un goût certain pour le macabre éthéré, les transparences et les formes qu'il ne se contente pas toujours de suggérer.
Le récit met en scène une secte dite de "suicidaires" appréciant visiblement beaucoup les soirées costumées dans de belles demeures isolées - on pourrait se prendre à penser à "Eyes Wide Shut", une scène montrant même une des participantes cherchant à aider un novice à prendre la fuite - cherchant en fait la formule de l'immortalité, l'avènement d'une nouvelle humanité. Aucune morsure à attendre, le sang se boit ici à la coupe, comme une nourriture divine, que l'on apprécie dans sa gorge sentir s'écouler sans avidité. Car malgré de gros défauts (le jeu médiocre des acteurs, des dialogues maladroits...), Rollin sait montrer une certaine tenue et, pour dévoiler ses mystères, choisit la prestance des châteaux éclairés aux flambeaux ou des cimetières prêts à se réveiller de leur repos.