Le format est quand même un peu âpre : à peine moins de trois heures d'entretiens face caméra, quelques intervenants tous cadrés de la même façon sur fond noir, avec quelques inserts photos ou audio (comprenant des extraits du fameux "Pour En Finir Avec Le Jugement De Dieu") qui viennent de temps en temps reposer les yeux en faisant varier le contenu. Enfin, "reposer" : on parle tout de même d'Antonin Artaud et tout particulièrement de ses dernières années, à la suite de la crise de folie qu'il fit à bord du bateau qui le ramenait d'Irlande, à la suite de laquelle il passera plusieurs années dans ce qu'on appelait alors l'asile public d'aliénés de Rodez. La tête d'Artaud, édenté et précocement vieilli, ne correspond pas vraiment à la définition qu'on pourrait se faire de "reposant".
Gérard Mordillat et Jérôme Prieur entendent au moyen de ce long documentaire brosser le portrait de l'ancien acteur et homme de théâtre, au travers d'une collection de témoignages de la part de ses amis. Nombre d'entre eux racontent d'ailleurs comment ils s'étaient organisés, à l'époque, 50 ans avant la sortie de "La Véritable histoire d'Artaud le Momo", pour obtenir la libération d'Artaud qui était alors en très mauvaise santé, pesant moins de 55 kilos et soumis à des séances d'électrochocs. C'est sur cette période que l'essentiel des témoignages et anecdotes se concentrent, ce qui peut paraître un peu assommant et très limité en termes de partis pris sur la fenêtre temporelle observée. Restent malgré tout des paroles diversifiées qui font émerger le destin somme toute assez terrible du poète (l'emprise des drogues et les dégâts des maladies) ainsi que le portrait forcément surréaliste d'un tel personnage, imprévisible, dérangé, excessif, totalement hors norme, capable de sombrer en un instant dans une rage folle contre n'importe qui ou n'importe quoi.