Navet d'automne
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Quelle surprise de voir Hirokazu Kore-Eda s’inviter dans le cinéma français et s’essayer à un tournage dans la langue de Molière après avoir reçu une Palme d’or il y a deux ans pour « Une affaire de famille ». Il semblerait qu’il ait vraiment voulu tenter autre chose puisque « La Vérité » ne ressemble pas vraiment au reste de son œuvre en investissant le terrain des coulisses du septième art et de la chronique familiale bourgeoise. Certes on retrouve la notion des liens familiaux chère au cinéaste, c’est en quelque sorte la colonne vertébrale de sa filmographie, mais on est ici à mille lieux de la tonalité dramatique que pouvaient avoir ses précédents long-métrages. Ce film se révèle un peu décevant et/ou surprenant au regard de ce qu’on en attendait. Un tantinet anodin, « La Vérité » développe un propos un peu trop insignifiant, comme si Kore-Eda avait perdu de sa puissance émotionnelle et thématique en changeant de langue. Ou peut-être a-t-il été effrayé par les grandes actrices françaises sur lesquelles il a jeté son dévolu, préférant s’adonner à la légèreté plutôt que de se confronter à l’émotion et au sérieux.
Et on ne peut que s’émerveiller de la prestation de ces deux grandes actrices françaises qui prennent vraiment plaisir à se donner la réplique pour la première fois, au point d’éclipser totalement le reste de la distribution. On pense notamment à un Ethan Hawke dans un rôle ingrat et totalement sous-employé de mari américain de Juliette Binoche. La barrière de la langue rend caduque et vain son effort et le fait errer dans le film comme un figurant hébété. Autant dire que ce n’est pas vraiment de sa faute. Mais celle qui rayonne et insuffle toute sa saveur à « La Vérité » c’est bien sur la grande Catherine Deneuve qui se révèle encore une fois royale dans un rôle miroir où elle se moque d’elle-même et des divas du milieu du cinéma avec une dérision que l’on sent sincère. Les dialogues du film sont bons et écrits avec soin mais la grande majorité des répliques succulentes proviennent de cette comédienne indissociable de l’Histoire du Cinéma, les autres semblant juste être là pour lui servir des répliques en or sur un plateau d’argent.
Avec ce film, Kore-Eda perd l’universalité du propos de ses précédentes réalisations dans une œuvre plus hermétique pour le spectateur lambda et un brin nombriliste. On préfèrera donc clairement ses films japonais à cette tranche de vie bourgeoise, engoncée dans une routine confortable. Néanmoins, si l’on aime les mises en abyme et les jeux de miroir, « La Vérité » s’apprécie sans souci. Comme une petite bulle de cinéma sur le cinéma avec la notion de vérité du titre qui s’immisce dans les relations familiales. D’ailleurs, à la fin, le sérieux du propos qu’est la recherche de celle-ci dans les rapports mère-fille intervient mais de manière trop tardive et peu fouillée. Et que l’art sert la fiction et inversement. En soit, rien de bien nouveau sous le soleil. Quelques moments drôles ou iconoclastes parsèment le film et un moment d’émotion final est plutôt réussi. En revanche, on préfère largement les séquences se déroulant dans la grande demeure familiale à celles sur le tournage du film de science-fiction, assez rébarbatif et déjà-vu en bien mieux. Une petite déception au regard des attentes mais un film tout à fait plaisant si l’on fait l’impasse sur ce que l’on pensait voir et l’émotion que pouvait contenir un tel sujet.
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Créée
le 28 nov. 2019
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