Je suis femme
Premièrement, le film est inspiré d’une affaire retentissante des années 1950 : celle de Pauline Dubuisson. Mais cette fois ci, Pauline est remplacée par un personnage fictif : celui de Dominique,...
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le 20 oct. 2017
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Autant le dire tout de suite : cette critique ne porte pas sur le film de Clouzot, en tant qu'objet cinématographique. Tout simplement parce qu'il m'est impossible de le considérer en tant que tel.
J'ai malheureusement trop rarement, si ce n'est jamais, entendu des personnes évoquer l'horreur qu'a été ce tournage, et le comportement de Clouzot. C'est pour cette raison que je m'exprime ici, parce que, en tant que cinéphile, je ne peux pas supporter que le cinéma puisse être dangereux pour ceux qui le créent.
Effectivement, le film s'inspire de "l'affaire" Pauline Dubuisson. Tout le problème, c'est la façon qu'a eu Clouzot de travailler à partir de cette affaire. Son travail a été doublement meurtrier, ou aurait pu l'être : pour son actrice d'une part, pour Pauline Dubuisson elle-même de l'autre.
Je ne vais pas m'étendre trop longuement sur le sujet, parce que le but n'est pas d'étaler les horreurs de Clouzot pour tomber dans le sensationnel ou le racolage, et surtout parce que si le sujet vous intéresse, d'autres ont écrit plus longuement dessus - lisez le roman de Philippe Jaenada "La Petite Femelle", qui est édifiant, en plus d'être par moments drôle et savoureux.
Je résumerai donc simplement les faits ainsi : Clouzot a maltraité Brigitte Bardot sur le tournage, la poussant à bout, la giflant quand elle ne parvenait pas selon lui à amener l'émotion nécessaire... La conséquence de ce traitement a été la tentative de suicide de Brigitte Bardot, qui, traumatisée, a voulu mettre fin à ses jours... de la façon dont Pauline Dubuisson elle-même avait attenté aux siens. Heureusement, elle a pu être sauvée.
Ce n'est pas le cas de Pauline Dubuisson, bien que la responsabilité de Clouzot la concernant soit plus diffuse. Elle est bien réelle toutefois. L"affaire" Dubuisson est d'une grande complexité, disons simplement ici qu'à l'époque de la sortie du film, Pauline Dubuisson est une femme libre, qui a purgé une peine de prison, et tente laborieusement de se reconstruire, après avoir été traînée dans la fange, par la presse notamment. Alors qu'elle commence à reprendre une existence (presque) normale, retombant avec soulagement dans l'anonymat les années passant, le film de Clouzot sort sur les écrans. On peut débattre du droit de créer une oeuvre sur une affaire dont les protagonistes sont encore vivants, et en souffrent encore... Mais le problème, plus encore que de remettre Pauline Dubuisson sur le devant de la scène, c'est la perversité avec laquelle Clouzot va jouer avec "la vérité", la vraie vérité, celle de Pauline, dans son film. Il fait prononcer à Brigitte Bardot les phrases exactes prononcées par Pauline Dubuisson lors de son procès; pousse le vice jusqu'à reprendre la position du cadavre - alors qu'en dehors de cela, beaucoup d'éléments dans le film sont purement fictifs et n'ont rien à voir avec la réalité de l'affaire....
Pauline Dubuisson verra le film, et en ressortira traumatisée. Qui plus est, la presse saisira cette occasion pour l'accabler à nouveau. Elle finira exilée au Maroc, où elle mettra fin à ses jours, avec "succès" cette fois...
Voila, si vous avez lu jusqu'ici, maintenant, vous savez. Vous savez que le cinéma peut être dangereux, alors qu'il ne devrait jamais l'être. La création ne devrait jamais avoir du sang sur les mains.Jugez ce film en conscience...
Créée
le 10 janv. 2020
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