Je suis femme
Premièrement, le film est inspiré d’une affaire retentissante des années 1950 : celle de Pauline Dubuisson. Mais cette fois ci, Pauline est remplacée par un personnage fictif : celui de Dominique,...
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le 20 oct. 2017
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Durant ce récit de procès, Clouzot va prendre son temps. La longue mise en place des avocats, des témoins, leur récusation ou les déplacements dans le public en témoignent : l’unité de lieu, de cadre surtout, est prépondérante et place un glacis fondamental sur les émotions à venir.
Dans cette salle gigantesque, toute la pantomime est prête : les robes, le public, qui réagira comme au spectacle, entre indignation et rire, le plus souvent de mépris face à la femme qu’on juge. De cette micro société surgit de temps à autre un représentant : concierge, logeuse, tristes porte-parole d’une humanité vieillissante, que Clouzot est habitué à pourfendre.
Le récit encadré peut donc commencer : celui d’une passion amoureuse qui tourne mal, rien de plus, mais minée, contaminée par une écriture savante permettant aux hommes de loi d’en faire le récit : sur les images d’une jeunesse rebelle et bohème se greffe une voix off réactionnaire et à charge, qui transforme l’étincelle d’une jouvencelle oisive en charbon souillant tout sur son passage.
Le premier gouffre est creusé : celui de l’impossible communication entre la jeunesse et les adultes, les notables et les représentants de l’autorité. « J’vois pas ce qu’il y a d’honnête à se faire épouser », réplique Bardot aux accusations de mauvaise vie qu’on lui profère. Une sincérité, une « vérité » qui loin de la sauver, l’enfonce, comme le témoignage de ses camarades anti-bourgeois. A la lumière d’une logique morale tout droit sortie de manuels de bonne conduite, on réécrit sa destinée, on la traduit en français : on ne dit pas qu’elle a couché avec un homme, mais qu’elle lui a « prodigué les marques de son affection ». Ce qui faisait rire dans la déposition remaniée par Jouvet dans Quai des orfèvres devient ici proprement glaçant.
Mais cette jeunesse flamboyante, crue dans son langage et dans son comportement, annonce de la nouvelle vague naissante, n’est elle aussi que le cadre du véritable sujet du récit : celui d’un couple maudit dont on ne peut logiquement établir les déchirements.
« On n’est pas doués pour aimer tous les deux », dit l’une. « C’est peut-être pour ça qu’on s’entend », réplique l’autre. Ce qui motive Gilbert, c’est le mystère de cette femme, d’une insolente liberté. « Vous êtes un cas, vous m’intéressez » lui dit-il en gage de déclaration. C’est vrai pour tous ceux qui l’entourent, y compris et surtout ceux qui ne voudraient pas la voir, dans ce prétoire où les angles de vues ont beau se multiplier, le rapport frontal ne dévie pas.
Un temps durant, pourtant, le flashback se déploie au point de faire oublier le futur des assises. C’est la parenthèse enchantée d’un amour qui semble possible, et où l’on se croit en pleine possession de ses moyens, métaphorisé par cette belle séquence où Gilbert dirige son orchestre… Scène d’autant plus déchirante lorsqu’elle trouvera son écho dans la contemplation de ce même orchestre dirigé sur plusieurs téléviseurs dans une vitrine, contemplée par Dominique seule, dans et à la rue.
Car l’ultime tâche dévolue à la Cour est de juger d’une passion amoureuse. En tentant de plaquer une grille de lecture froide, logique et rationnelle sur les ravages d’une brûlure destructrice, elle occasionne des débats passionnés, passionnants, glaçants et vains.
L’écriture du film est en tout point brillante, jusque dans ses longueurs qui donnent à vivre les revirements incessants des amants incapables de trancher. De la même façon, si leur jeu peut sembler parfois excessif, c’est surtout par contraste avec la froide et géniale maitrise des avocats, fielleux ou roublards dans leur éloquence.
Cette dichotomie entre la raison et la passion, le calcul rhétorique et la spontanéité tragique trouve aussi son illustration dans le traitement du temps : alors que le récit originel est tout entier sous l’égide des coups d’éclats et des actes irréfléchis, la cour a pour elle la maitrise du temps : elle fige, elle dissèque, elle rembobine ad nauseam pour déceler ou prouver des intentions. La reconstitution du meurtre où l’on exige que Dominique reprenne le pistolet est en cela brillante : elle oppose deux visions, sadise l’accusée et l’enfonce dans un rôle mensonger où tout l’accable, parce qu’elle est incapable de mettre au jour cette vérité des sentiments humains. On soupçonne chez elle le mal froid et calculé, la préméditation, la destruction de la sœur ; le spectateur a bien compris que tous ces maux sont justement ceux de la cour, incapable de voir la brûlure de la passion.
Broyée, menée à bout, Dominique finit par enfin rejoindre le récit encadrant, dans un cri d’amour et de désespoir. Au mort, elle dit sa passion. A la cour, une des indicibles vérités : « Vous êtes là, déguisés, ridicules, vous êtes tous morts ! »
Quel verdict imaginer, qui ne soit pas faux, et qui puisse être juste ? Aucun, si ce n’est celui de l’impuissance du système à circonscrire le mystère des passions humaines. C’est bien la tragédie qui reprend ses droits. « Eteinte » en plein vol, la cour se reprend rapidement. « En piste », disait-on à l’ouverture du procès. « Sale coup », conclut l’accusation… « Les aléas du métier », reprend le collègue, déjà ancien adversaire, prêt à échanger son rôle la semaine suivante. La machine reprend son cours, chaude encore des corps qu’elle a broyés, ignorante et rassasiée, ouvrant largement la gueule pour les suivants.
Intervention du Ciné-Club :
https://youtu.be/w_NtBpveNGg
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Créée
le 12 févr. 2014
Modifiée
le 12 févr. 2014
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Alors voilà, passons sur les détails de l'histoire, c'est le procès de Dominique, qui a tué son amant, et le synopsis fera ça très bien ; c'est donc un film de tribunal et de flash-back, j'imagine...
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le 21 août 2012
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1960, République française. Mais ça pourrait aussi bien être la France de Pétain, comme celle vue dans "le Corbeau". Un pays de rats, de vieillards haineux, médiocres, déterminés à tuer dans l'œuf...
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