Je me lance dans cette critique à chaud, encore sous le coup de l’émotion, sans trop savoir par où commencer.
J’ai découvert l’existence de ce film en laissant aller au hasard entre des bandes-annonces sur youtube, et lorsque j’ai vu le regard le visage de Kaya Scodelario, j’ai aussitôt cliqué. Je confesse beaucoup aimer cette actrice, quand bien même tous les anti-skins me tomberaient sur le dos. Si son personnage d’Effy n’est pas incroyable, l’actrice en elle-même me plait beaucoup, son regard, la détresse qu’on y lit souvent, et le teint naturel qui ne laisse soupçonner aucun maquillage de loge. Bref, je m’étale. La bande annonce donc, et le seul nom du film, que l’on trouve sous deux façons différents (The truth about Emanuel, ou alors Emanuel an the truth about fishes) m’ont donné envie.
Pour faire un résumé bref, Emanuel vit seule avec son père et sa belle-mère, étant donné que a mère est morte au moment où elle la mettait au monde, et alors que ça vie de déprimée pessimiste semble couler pour le mieux, s’installe à côté de chez elle une femme qui ressemble étrangement à sa mère et qui élève seule un enfant. Et lorsqu’Emanuel accepte de faire du baby-sitting pour elle, elle ne peut se douter que cette enfant, Chloe, est en fait une poupée. Je n’en dis pas plus, je n’ai pas l’habitude de spoiler.
Je ne suis pas tant cinéphile, et je n’ai aucune notion technique du cinéma, je ne peux donc que vous parler de ce que je ressens dans un film et de ce qui m’y touche. Il est important pour moi de dénoter l’ambiance du film. Les musiques sont douces, mais surtout, les couleurs sont pâles. Le bleu est omniprésent, et décliné tout le long du film dans un camaïeu presque complet, que ce soit sur les vêtements, dans les yeux, sur les murs, dans le train … Souvent allié au jaune pâle, ou au blanc ivoire, et relevé par du brun foncé. Aussi l’atmosphère est douce, placide, et si parfois elles évoquent les couloirs d’hôpitaux, c’est plus souvent un regain de nostalgie qu’elles font remonter. Les scènes sont calmes, sans violence, et toute la douleur, la peur et la colère passent par les paroles, les regards et les attitudes. Adeptes d’action, de musiques entrainantes et de champs en rafales, passez votre chemin. Ici c’est la quiétude et l’angoisse inconsciente qui priment. La première à m’avoir fait pétiller le cœur, c’est celle de la treizième minute, lorsqu’Emanuel est allongée dans son lit, et qu’elle observe Linda sa voisine bercer son enfant dans la maison d’en face. Nous la voyons encadrée par sa fenêtre, et dans sa chambre une lampe à la lumière diffuse du soir la veille, et tout autour de cette fenêtre, il n’y a que du noir. Emanuel semble suspendue dans le ciel, ou flottante au fond des abysses.
Un deuxième point qui m’a marqué, c’est vraiment l’omniprésence de l’eau. La première fois que l’on entend le bruit des vagues, c’est lorsque Linda lui tend le babyphone. Il revient lorsqu’Emanuel va ranger du linge, puis lorsqu’elle rentre chez elle et lit les livres français, encore après avoir posé les cartons dans la chambre de Linda … et maintes fois encore. Sa relation à l’eau est ambigüe, elle semble s’y oyer et y renaître à la fois. L’eau est pour moi dans ce film représentative du liquide amniotique, celui dans lequel baigne le fœtus dans le ventre de sa mère. Emanuel n’a connu sa mère que durant la maternité. Le ventre de la mère, c’est le nirvana : l’enfant n’y éprouve aucun trouble, chaque besoin physiologique y est comblé dans la nano seconde, il ne peut éprouver aucun manque et par conséquent aucun désir, il est dans un état parfait. La mère pour l’enfant représente par la suite l’objet du désir, et semble être la chose se rapprochant le plus du nirvana pour l’enfant. Cette quête de l’état parfait se perpétue tout au long de la vie, mais la mère l’aura incarné durant toute l’enfance. Et Emanuel, elle, a perdu l’objet du désir, sa mère. Aussi à mon humble avis, l’eau et la mère sont le ventre dans lequel elle aspire à se replonger, celui qui comblera tous ses vides et tous ses manques, qui lui ôtera ses peurs et ses angoisses, qui lui redonnera la paix et la plénitude du fœtus. Lorsqu’Emanuel se couche au sol avec Chloe dans les bras et qu’elle sombre dans les eaux de son esprit, l’histoire semble se répéter. Emanuel replonge dans le liquide amniotique, et va devoir renaître à nouveau, ce qui signifie pour elle perdre une fois de plus sa mère comme elle l’a perdu en naissant la première fois. Mais cette plongée c’est aussi la deuxième mort de Chloe, qui en ouvrant les yeux sous l’eau, semble paradoxalement se noyer définitivement et alors mourir une seconde fois, ainsi Linda perd à nouveau son enfant. Et si cette répétition du drame paraît d’abord tragique, c’est sans doute le début du deuil à venir pour l’une comme pour l’autre.
Voilà qui commence à être long, je pourrais continuer ainsi un certain car j’ai repéré deux trois autres éléments qui m’ont particulièrement frappé, mais j’ai peur d’être lassante au bout d’un moment alors je vais m’arrêter. Emanuel est pour moi une histoire touchante, et si c’est un film qui ne peux pas être vu avec légèreté, il plonge dans un état de réflexion et de questionnement assez étrange, sans être dérangeant. C’est un voyage teinté de philosophie et de psychologie, qui peut toutefois être regardé sans maitriser ni l’une ni l’autre de ces compétences. Je tiens tout de même à préciser que ce n’est pas non plus une recherche ultra poussé ni un chef-d’œuvre cinématographique, mais ce film est une suggestion, qui sonne qui comme une proposition. Saisissez-la, laissez-vous porter, vous verrez bien ce qu’il en adviendra. Pour moi ce fut une belle découverte, j’espère qu’il en sera de même pour vous.