La veuve Couderc, c'est un peu Les amants de la nuit avec des personnages plus vieux, dans le cadre d'un hameau français des années 1930 traversé par un canal. C'est une histoire d'amour fatal entre deux êtres que la société ne peut comprendre.
Le film a été tourné dans les années 1970, et ça se voit. Le grain d'image est très années 1970, avec le thème musical au violon qui va bien et qui revient régulièrement. De même, le look de certains personnages trahit l'époque, notamment le personnage féminin de Félicie, qui arbore une mini-jupe et des bottes fort anachroniques, surtout dans cette France rurale.
Cependant si la reconstitution n'est pas exempte de tout reproche, le paysage mental est très solidement posé. Le cadre rural est vu à hauteur d'homme, avec de belles perspectives, assez créatives (la péniche qui semble traverser le potager). On ressent l'espace dans lequel évoluent les personnages, entre la maison, les champs, le canal, le lavoir, l'arrêt de bus qui mène à "la ville". A noter un joli money-shot à l'ULM au-dessus de la campagne, qui se fixe sur le bus, dans la scène d'introduction.
Les seconds rôles sont savoureux, et la mentalité paysanne, madrée, méfiante, et impitoyable, est bien croquée.
Il faut évidemment dire un mot des deux inteprètes principaux. Delon se contente d'être, comme d'habitude, j'ai donc peu à dire sur lui. Signoret, pour sa part, a conscience d'être le rôle central et de jouer gros. Mon sentiment est partagé. Quand bien même son interprétation est bonne, disons qu'elle joue à la paysanne, mais qu'on sent toujours Saint-Germain des Près et ses mimiques. Cela dit, son interprétation est très courageuse dans la manière de montrer une femme vieillissante qui ne veut pas renoncer à sa libido. Et sans rien montrer, elle est profondément touchante. De manière générale, le timing de la mise en scène est parfait pour servir la profondeur psychologique. Seul le rôle de Félicie, cantonnée à celui de ressort narratif, est passablement ennuyeux.
Le découpage est très efficace, par exemple pendant la scène de guinguette, ou la belle scène du lavoir, où les paysannes se dévisagent tout en lavant leur linge, offrant une communication muette. Il y a un travail intelligent sur le silence.
La veuve Couderc, c'est de l'artisanat, c'est un film social rural inspiré de Balzac et Simenon comme on devrait savoir encore en faire (ce qui n'est hélas plus vrai). C'est simple et efficace, avec un dénouement attendu mais poignant.
Synopsis
France, années 1930. Jean arrive dans un village. Au sortir du bus, il aide la veuve Couderc, qui vit seule avec son beau-père, à porter des bagages. Malgré le qu'en-dira-t-on, elle lui donne du travail. Lui cache un revolver : il est en cavale. Il rend service à la ferme, mais mate Félicie, une jeune fille-mère un peu attardée. La veuve fait du plat à Jean, qui l'honore. La belle-soeur vient récupérer son père, ce qui fait un esclandre, quand la veuve veut aller le récupérer. Jean et la veuve vont en ville chercher une mèche de lampe, ce qui en quelque sorte officialise leur relation.
Mais en revenant, alors qu'il vient d'offrir une chemise de nuit soyeuse à la veuve, Jean passe à la guinguette. Au retour il croise Félicie. Ils baguenaudent. La veuve les entend. Le lendemain, les voisins décident de dénoncer Jean aux flics, et la veuve le chasse de son toît. Le fonds criminel ressort, iI la menace avec son flingue avant de partir, puis décide de rester. La voisine revient avec les gendarmes, qui encerclent la maison. Félicie vient alerter le couple. Jean parvient à sortir, mais doit rebrousser chemin après avoir tué un gendarme. Il finit retranché dans la ferme avec la veuve. Des tirs sont échangés, l'un d'eux touche la couveuse à oeufs, qui déclenche un incendie. Jean sort en force, les deux amants se font tuer.