La vie au ranch est mon quatrième film de Letourneur.
Le regard qu'elle porte sur ses personnages peut être cru, moqueur ou tragique mais il est toujours tendre.
Ça me touche.
La deuxième chose qui m'émeut c'est sa capacité à représenter les moments tragiques de manière concrète. Par concrète, j'entends dans un contexte réaliste.
Que ce soit une rupture amoureuse, un décès sur le point d'arriver ou un conflit sur une robe, le monde ne s'arrête pas, le temps ne se suspend pas. Il y a un endroit (une auto-école ou une chambre) où la tragédie à lieu et un temps où l'on parle de cette tragédie ; et pendant que l'on en parle, on traverse diverses émotions en même temps, on passe des larmes aux rires, on se vexe puis il est temps de mettre ses chaussures parce que la vie continue toujours, toujours, toujours.
Letourneur réussie à représenter les couches de sentiments qui nous traversent à chaque instant.
Elle capte également les couches en mouvements dans les interactions de groupes. D'ailleurs les rares scènes où les filles sont seules sont des moments où elles sont à l’écart du groupe.
Comme des superpositions de calques dans un logiciel de montage vidéo, chaque dialogue, chaque déplacement, chaque geste commence dans la continuité d'autres dialogues, déplacements, gestes et se termine alors qu'encore d'autres dialogues, déplacements, gestes ont commencés pendant la durée de ces premiers.
Letourneur capte la chorégraphie humaine dans toute sa densité.
Elle la capte avec tendresse.
Je trouve ça magnifique.