Le temps d’un week-end, un père divorcé emmène sa fille en virée (avec un caméscope, on est en 1984). Ça pourrait donner LE PETIT PRINCE A DIT, superbe film de Christine Pascal. Ben non. Ici, les femmes sont des hystériques jalouses et dépendantes qui carburent au chantage affectif car Sami Frey, en clone de Doillon, est censé avoir un charme fou (il se tape mère et belle-fille, et même sa fille veut dormir dans le même lit). Il chope Juliet Berto à l’entrejambe et la balance sur le lit en se barrant, mais il est hyper cool, c’est une sorte de BHL (longs cheveux, col de chemise ouvert) qui fait du roller en costume, descend à califourchon les rampes d’escaliers, avec effets de voix « en-dessous » suintant la supériorité de classe – ambiance mas provinciaux où l’entre-soi va de soi. D’ailleurs les activités sont nobles (on écrit des histoires, on fait la dictée et des conjugaisons, pas de télévision) pour une progéniture promise à la Distinction. Cette autosatisfaction est néanmoins soluble dans des crises régressives : ne pas ouvrir au voisin pour se payer sa tête, escalader le mur de l’école pour jouer à la classe – en se moquant du prof évidemment (l’école de la République c’est tellement nul). Comme il n’y a rien à filmer (néant total du réel), on va inventer un jeu. La fille demande donc au père de « faire au moins 3 choses qui font peur » et ça va tenir lieu de scénario. Soit. Entre sentence snob (qui fleure bon sa piscine privée : « La mer ça fait chier, c’est tiède et obligatoire, nous n’en voulons pas ») et autre sentence snob (hyper content de lui : « on se souviendra de l’année 1984 comme de l’année où on a commencé à détester Carmen » - because Rosi, Saura, Godard : ha ha), Doillon fait de son clone le ventriloque de ses pensées de privilégié venimeux. La relation n’existe que dans un jeu cérébral où la fusion complice prévaut sur toute altérité. Mais en fait ça n’est pas grave : on est de toute façon un monde de valeurs et transactions abstraites, où le seul enjeu est l’héritage à transmettre (derrière cette façon de rapatrier le réel dans le jeu, dans le symbole, c’est un pur dressage de classe qui ne se dit pas, dont le film n’a absolument aucune conscience). Ainsi la gamine doit apprendre à gérer le budget de leur petit tournage amateur, mais c’est furieusement hypocrite, ça reste l’argent du père, le circuit est clos, on ne gère jamais que la fortune familiale. Evidemment à la fin le père fait un mea culpa devant la caméra de sa fille, autocritique complaisante et plaidoyer pro-domo pour la bonne distance qui lui permet (et à Doillon) d’avoir le dernier mot. Arrogance des riches, d’autant plus ivres de leur petite névrose que celle-ci leur permet de resserrer le circuit étroit de la reproduction (le plus court circuit étant l'inceste, que Doillon a complaisamment filmé par ailleurs).

LunaParke
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le 3 oct. 2023

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