Une pépite en forme de carré:
- Premier côté : le scénario. Sincèrement, objectivement, il est tout sauf inintéressant. Rendre la Déportation joueuse, préserver l'Enfance en pleine guerre Mondiale, faire rire avec la page la plus noire de l'Histoire de l'Humanité (oui carrément, n'ayons pas peur de l'affirmer)... Y'a plus tranquille comme sujet. Begnigni a relevé le pari. Et haut la main. C'est le deuxième meilleur scénario que j'ai jamais vu, après celui d'"Il était une fois dans l'Ouest". Je persiste et signe. Déjà pour le savant équilibre que nécessite un sujet pareil, qui n'est pas donné à tous : ni sombrer dans le pathos, ni dans le guignolesque. Être pile poil au milieu. Et il a réussi. Mais il ne s'est pas contenté de ça : il joue avec des éléments poétiques, comme le docteur obsédé par des énigmes ou l'Oncle débitant des citations (la sauce Italienne somme toute !), et s'en sert toujours pour plusieurs situations, qui paraissent pourtant complètement contradictoires ! C'est rien dit comme ça, mais je vous jure que ça nécessite une gymnastique assez casse-gueule aussi. L'histoire se divise en deux parties: l'histoire d'amour, sous une Italie qui devient fasciste (la scène du problème de maths fait froid dans le dos... et c'est toujours d’actualité dans certains pays) et le séjour dans le camp. Autant la première partie est encore réalisable (et aussi magnifique que la deuxième partie, bien que plus classique), certes, mais la deuxième... en plus, en sachant que le gamin est laissé seul pendant que le père va bosser... Ça aurait pu sombrer dans l'invraisemblable. Et bien non. Les règles du jeu sont crédibles, les arguments pour que le gosse reste dans le jeu sont convaincants, et les séquences ne se ressemblent jamais. Là aussi un énorme point positif au scénario. De plus, malgré le contexte, Guido parvient toujours à rappeler à sa femme qu'ils sont encore vivants, que la Victoire leur appartient encore en somme. Je vais même vous confier quelque chose: à cause d'eux, j'ai jamais réussi à trouver ce film vraiment triste (


à part, bien sûr, pour la mort de Guido


). Tout est tellement dédramatisé, que ça justifie son titre malgré le décor: la vie est belle. Elle vaincs la Mort. Le Rire contre l'Horreur, l'Amour contre la Haine. On sait qui gagne dans le film. En quoi c'est triste ? Personnellement, la fin ne m'a pas gêné du tout. Au contraire : l'arrivée du char d'assaut était l'ultime idée de génie du film.
Verdict: le scénario est une perle absolue, qui m'a fait fondre. Qui me fait sentir amoureux.
- Deuxième côté : le casting. Je suis extrêmement triste pour Begnigni, qui n'a pas réussi à retrouver un vrai succès public et critique après ce film. Il aurait pu apporter d'autres belles œuvres. Même comme acteur, c'est dommage je trouve. Toujours est-il qu'à chaque instant, dans "La Vie est Belle", tu le sens transposé par son sujet. Impliqué à fond, pour rendre son personnage le plus attachant possible, pour qu'il soit l'incarnation de l'Amour et de la Joie, on atteint l'impression qu'il l'est aussi dans la vie. Braschi, en femme mystérieuse (et manquant de profondeur psychologique, aussi), arrive à composer avec ce personnage, tiraillée mais sans l'exprimer, une mère séduisante. Son regard inquiet dans le Camp, ou son regard amusé par ce personnage qu'est Guido, m'a vraiment marqué. J'avais envie de l'aimer, alors je l'ai aimé, point. Pareil pour le môme Giorgio Cantarini (qu'elle est belle la langue Italienne): un regard particulièrement inoubliable. Au bout du compte, c'est un film qui repose beaucoup sur le regard, celui des personnages comme celui des spectateurs. A nous de décider: on regarde ces évènements comme un enfant, ou comme un adulte qui sait ce qui se passe ? Normalement, on peut alterner avec ce film... Mais il semblerait que pour certains c'est trop demandé... Enfin bon, quelques parts, je peux comprendre. Les tabous sont impénétrables...
Verdict: le casting est adéquat et harmonieux. Ce qui m'a fait sentir bien entouré.
- Troisième côté: l'identité toute Italienne, que j'ai déjà suggéré avant. C'est marrant comme on sait tout de suite lorsqu'on la voit : une couleur éclatée, du pittoresque même dans le tragique, un sourire communicatif, une manière d'observer les gens avec minutie et amusement, un respect culinaire, un air de ne rien prendre au sérieux, une musique baladeuse... Et puis donc une atmosphère toute singulière, paradoxale: tout est agréable, dans un contexte insupportable. Begnigni joue avec les ombres, pour mieux les réduire en cendres. Mine de rien, il perpétue là une vieille tradition, celle du no-réalisme. Mais il le modernise, et le transpose dans une situation très délicate. Encore une fois, il fallait vraiment oser. Les décors Italiens rajoutent, en tout cas, un charme certain et réchauffant malgré la nuit qui s'installe.
Verdict: j'aime l'Italie. Ce qui m'a donné envie de la ressentir en ce film.
- Quatrième côté : les personnages. Je résumerai qu'en une phrase, parce que je viens de me rendre compte de la longueur de la critique: j'espère un jour être sincèrement un père comme Guido. S'il y a bien un modèle sur lequel on peut essayer de se baser, c'est bien ce personnage. Et ça fait du bien, dans ce monde où même les saints sont des salauds. Bien évidemment il n'existe pas réellement. Raison de plus pour tenter d'être comme lui.
Verdict général: immense coup de cœur, qui résonne encore après toutes ces années en sa compagnie. Un immense Chef D’œuvre.

Créée

le 15 mai 2018

Critique lue 343 fois

4 j'aime

Billy98

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