Mémoire de nos pairs
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Vanter l'héroïsme des soldats, encenser la camaraderie d'un régiment de troufion, s'émouvoir des conditions de vie déplorables dans les tranchés, s'affliger de voir l'homme redevenir un animal qui vit pour tuer. Le film de guerre et ses différents registre et quasiment aussi vieux que le cinéma. Mais je ne crois que quelqu'un ait fait un film de guerre comme La Vie et Rien d'Autre avant Bertrand Tavernier. Sans montrer un seul combat, ni un seul cadavre, Tavernier montre l'horreur de la guerre de manière aussi poignante que les pus grandes références du genre : A l'Ouest Rien de Nouveau, Les Sentiers de la Gloire, pour ne citer qu'eux.
Le secret de Tavernier c'est de ne pas faire appel aux sentiments de son spectateur, mais à sa raison. Grâce à des chiffres hallucinant : un million et demi de mort côté français, des dizaines de milliers d'estropiés, et d'autres dizaines de milliers de disparus. D'ailleurs en 1920, les morts ne sont plus que des chiffres. Des lignes sur un registres, ou des allées de croix dans les cimetières militaires. Il y'a bien les disparus, ceux dont on ne sait pas s'ils sont vivants ou mort, et même ceux dont on sait vaguement où ils reposent provisoirement avant d'avoir une tombe à peu près correct. Mais tout ceux-là le gouvernement et la presse veut les oublier, pour passer au temps de la reconstruction et de la réconciliation. Mais évidemment ce n'est pas le cas de tout le monde. Il y'a ceux qui ne peuvent pas oublier, et c'est ceux-là que filme Tavernier.
Il y'a d'abord le commandant Delaplane, un officier zélé qui a pour mission de retrouver les disparus. Ses supérieurs voudraient bien qu'il bâcle le boulot pour finir au plus vite et passer à autre chose. Mais lui, par respect pour les disparus et leur famille qui attendent des réponses fait consciencieusement son travail, tout en se rendant compte qu'il essaie de vider une piscine remplie d'eau avec une petite cuillère.
Et puis il y'a les familles bien sûr. D'abord représentées par le personnage de madame de Courtil, une espèce de bourgeoise qui croit que rechercher son mari disparu doit être la priorité de l'armée. Mais elle n'est pas seul à rechercher un proche, d'ailleurs les personnages comme elle se multiplie, à mesure que la tâche de Delaplane parait de plus en plus démesurée.
Preuve que le gouvernement veut passer à autre chose, celui-ci prévoit de choisir un des cadavres non identifiés pour l'enterrer sous l'arc, lui rendre un hommage solenel, et ainsi clôturer ce long travail d'identification qui est loin d'être terminé. Sauf que c'est pas si simple de trouver un cadavre français non identifié. Donc on exhume à la pelle (au sens propre et figuré) pour trouver l'heureux élu qui verra sa tombe fleuri par le président himself une fois par an. Tavernier donne une image grotesque de cette pratique mémorielle indispensable. Pas de la pratique en elle-même, mais des intentions qui ont poussés à la mettre en place. Même chose pour les monuments aux morts construits dans chaque commune. Tavernier nous montre surtout la joie des sculpteurs qui ont un carnet de commande bien rempli, et l'orgueil des maires qui veulent en mettre plein la vue aux communes voisines.
Au final les hommages que nous rendons aux poilus morts au champ d'honneur encore aujourd'hui (j'écrit l'année du centenaire de l'armistice du 11 novembre, donc on en a attendu parlé) sont basé sur l'hypocrisie de nos dirigeants, à toutes les échelles. Et si le plus beau des monuments aux morts c'était La Vie et Rien d'Autre. Un film poignant qui nous rappelle réellement à quel point la première guerre mondiale à été désastreuse. Moi j'y crois.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de Bertrand Tavernier, Les meilleurs films avec Philippe Noiret, Les meilleurs films sur la Première Guerre mondiale et Les meilleurs films de 1989
Créée
le 23 déc. 2018
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