Mémoire de nos pairs
La vie et rien d’autre est un film historique. Ample par sa reconstitution, doté d’un casting prestigieux, il semble s’inscrire dans une tradition dont nous visionnons aujourd’hui encore les...
le 10 avr. 2014
67 j'aime
12
Plus parlante qu'une critique... la sublime lettre du Major Dellaplanne à Irène de Courtil
« Bédarieux, 6 janvier 1922
Irène, très chère Irène,
Votre lettre m’a donné une grande joie parce qu’elle m’apportait un grand espoir. Enfin vous ! Enfin, quelques mots me rendaient votre voix, votre regard, l’émouvante silhouette de mes jours et de mes nuits de solitude ! Dieu veuille que mon message vous atteigne à New York avant ce grand départ que vous m’annoncez pour le Wisconsin. J’ai eu du mal à le découvrir sur mon globe ; comment vous y retrouverais-je, si vous aviez l’imprudence d’aller vous y perdre ?
“Nouvelle vie, dites-vous, nouvelles têtes, nouveau départ.” Qu’avez-vous besoin de toute cette nouveauté, vous qui renouvelez si bien toute chose, et notamment le vieux cœur des vieux hommes ?
Vous n’avez compris ni mon trouble, ni mon silence : ai-je compris moi-même ? J’étais, je suis encore tremblant de mon immense tendresse, et votre véhémence, votre flamme me paralysaient… Nuit effrayante dans mon souvenir… Il suffisait que je murmure les trois mots dont vous me lanciez le défi, et je me suis tû… Aujourd’hui, je les crie cent fois par jour, de toutes les forces qui me restent, souhaitant qu’ils passent la formidable étendue qui nous sépare : je vous aime, oui, je vous aime, à jamais.
Cet aveu vous donnera peut-être à rire après tant de mois de séparation. Il me soulage. Il m’assure que je suis vivant, en paix avec moi-même. Le reste n’est que broutille.
J’ai pris de grandes résolutions. Par exemple celle de me séparer de l’armée, laquelle d’ailleurs n’a fait aucune difficulté pour me libérer. Et comme je n’ai de goût, ni pour les villes, ni pour les cravates, j’ai regagné la terre de mon enfance, où je dispose d’une maison de famille entourée de quelques hectares de rocaille et de vignoble.
Je vous offre, sans trop d’illusion, cette royauté dérisoire.
Il est dix heures du soir. L’air sent le crottin, la menthe et le caramel, parce que j’ai fait tomber du sucre sur ma cuisinière. Demain matin j’irai voir si les sangliers de mon petit bois sont partis pour l’Espagne, et je commencerai d’attendre, de vous attendre. J’attends déjà. Je n’attendrai pas plus de cent ans. Mettons, cent un ans.
Post-scriptum : c’est la dernière fois que je vous importune avec mes chiffres terribles. Mais par comparaison avec le temps mis par les troupes alliées à descendre les Champs-Elysées lors du défilé de la Victoire, environ trois heures je crois, j’ai calculé que, dans les mêmes conditions de vitesse de marche et de formation réglementaire, le défilé des pauvres morts de cette inexpiable folie n’aurait pas duré moins de onze jours et onze nuits. Pardonnez-moi cette précision accablante.
A vous, ma vie… »
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 10 Films, Les meilleurs films français, Les meilleurs films primés aux César, Les meilleurs films avec Philippe Noiret et Escalier de vie
Créée
le 13 sept. 2015
Critique lue 2.6K fois
11 j'aime
4 commentaires
D'autres avis sur La Vie et rien d'autre
La vie et rien d’autre est un film historique. Ample par sa reconstitution, doté d’un casting prestigieux, il semble s’inscrire dans une tradition dont nous visionnons aujourd’hui encore les...
le 10 avr. 2014
67 j'aime
12
Même quand on a suivi des études histoire, il traine toujours dans un coin de nos tête que les guerres se sont terminées le lendemain même de la date où l’on commémore l’armistice. Ainsi, si l’on se...
Par
le 10 avr. 2014
67 j'aime
14
Octobre 1920. Un bord de plage terne et délavé où des vagues grises frappent le sable comme un cocher les cuisses de son canasson. Un jeune homme accompagné d'une infirmière, se tient sur un...
le 30 mars 2014
47 j'aime
23
Du même critique
Ce n'est pas sans un certain plaisir que l'on retrouve le juge d'instruction Anne Gruwez qui a déjà fait l'objet d'un reportage pour l'émission Strip-tease en 2011. Sept ans après, ce juge totalement...
le 12 févr. 2018
59 j'aime
7
Qu’il est difficile d’appréhender un avis sur une œuvre dont la fiction se mêle aux souvenirs de mon propre vécu, où une situation, quelques mots ou bien encore des personnages semblent tout droit...
le 24 août 2017
56 j'aime
10
Indiscutablement « Tale of tales » sera le film le plus controversé de l’année 2015, accueil mitigé a Cannes, critique divisée et premiers ressentis de spectateurs contrastés. Me moquant éperdument...
le 3 juil. 2015
48 j'aime
11