Il y a un temps pour rêver et il y a un temps pour vivre
Il y a quelques temps déjà, lorsque je lisais un bouquin qui donne des conseils pour l'écriture d'un roman, j'ai découvert le MBTI : un outil psychologique classant les gens en 16 catégories.
On ne peut pas classer le monde entier en 16 catégories, me direz-vous ! Et pourtant, ce n'est pas d'astrologie ou d'ésotérisme que je vous parle mais de vraie psychanalyse, outil résultat du travail de théoriciens en psychologie actuellement largement utilisé dans le monde et en particulier dans le monde de l'entreprise. Parmi les 4 axes qui composent cet outil, il y a le recueil d'information. D'un côté, il y a les sensitifs qui se basent sur leur 5 sens, sur des choses concrètes et tangibles et de l'autre les intuitifs qui recueillent les informations de manière abstraite. On les dit d'ailleurs très imaginatifs et rêveurs.
Certains chiffres évoquent un pourcentage de répartition dans la population de l'ordre de 30% pour les intuitifs et 70% pour les sensitifs.
Les intuitifs auront d'ailleurs déjà saisi le rapport entre tout ce que je viens de vous dire et le film que je critique (oui, il y en a, ça paraît pas comme ça !)
Cet outil m'a permis d'apprendre à me connaître mieux, à comprendre mon évolution dans l'enfance et dans l'adolescence, à comprendre mes goûts en matière de films également... D'ailleurs un film qui contient le mot "Rêve" a en général toutes les chances de m'intéresser ! Cela m'a permis de comprendre mes points faibles et mes points forts.
Un autre outil psychologique appelé l'énnéagramme, quant à lui, catégorise les gens en 9 groupes. Je pourrais moins développer cet outil car je le connais moins mais en lisant à son sujet, j'ai découvert que selon les psychologues, le fait de "rêver" à la manière de Mitty est un phénomène hypnotique appelé "Progression en âge" (voir même hallucination positive/négative visuelle et auditive dans le cas de Mitty). Les psychologues pensent que le fait de contrôler voir limiter ces phénomènes hypnotiques permettrait en quelques sorte de ne plus laisser libre cours aux mécanismes égotiques inhérent à son type psychologique. En d'autres mots, arrêter de se laisser aller au rêve et prendre le contrôle de soi permettrait de devenir quelqu'un de "meilleur", d'intégré. Concernant précisément les "progressions en âge" dont est victime Walter Mitty, certains types y seraient plus exposés que d'autres (mais les autres types sont eux, exposés à d'autres phénomènes hypnotiques tout aussi dangereux). Et j'aurais tendance à dire, en comparant avec le MBTI, que les intuitifs sont plus sujets à ce genre de phénomène.
Le rêve ne serait donc pas bon. Il nous empêcherait de nous connecter à notre corps et à notre essence. D'ailleurs, si vous avez déjà fait de la relaxation et de la méditation, on ne vous apprend pas à laisser wagabonder votre esprit et laisser libre cours à votre imagination, bien au contraire. On vous apprend à vous concentrer sur votre corps et sur les sensations ressenties par chacun de vos membres.
Cette dissertation philosophique que je fais représente en fait, mon état d'esprit actuel. Je suis dans un moment de ma vie, où je dois apprendre à vivre, avoir une bonne hygiène de vie, me préoccuper de manger sainement, faire du sport (comme tout le monde, c'est le moment des bonnes résolutions pour l'année 2014 :) ), être moins anxieux, et apprendre à me concentrer (ce que j'ai beaucoup de mal à faire, je l'avoue.)
Et ce film arrive à point nommé. Un peu à la manière de "Le Congrès" l'année dernière qui finalement abordait un peu le même sujet mais de manière beaucoup plus abstraite. Walter Mitty est un homme qui rêve et ne vit pas. Son CV de "vie" est encore vierge. Il n'a rien fait, il a juste imaginé. Il connaît très mal ses sens, il n'écoute pas vraiment les autres, il n'observe pas bien autour de lui, il ne se sent pas bien dans sa peau, il ne parle pas avec assurance, les situations le dépassent souvent alors il s'enfuit dans son monde, car son sixième sens, c'est celui dont il se sert le mieux.
Non seulement le film arrive bien par rapport à mes interrogations du moment sur la vie mais en plus, je rencontre un personnage qui me ressemble en tout point : je me dis "ça c'est moi" ! Paf, identification ! C'est magique, ça marche tout seul !
J'étais comme ça étant enfant, je rêvassais et même encore maintenant. J'ai du mal à rester concentrer en toute circonstance et quand la situation réelle me dépasse, je bug, je ne suis plus en capacité de répondre, je suis parti ailleurs (bon en moins pire que lui tout de même, car je n'hallucine pas pendant une discussion avec d'autres personnes). J'ai aussi mes fantaisies, mes histoires imaginaires empruntes de romantisme et d'héroïsme. J'ai aussi des répliques qui sonnent bien dans la tête et qui une fois sorties ressemblent à des marmonnements que personne ne comprend. Même le fait d'être un chevronné membre de senscritique va dans ce sens : passer sa vie dans les films et les séries, essayer de battre des records de film à l'année, pour qui, pour quoi exactement ? Parce que les films permettent de s'évader de la réalité. Parce que enchaîner les films et les séries est la seule chose que je sais bien faire. Moi je rêvasse devant ces films et séries et de l'extérieur, il n'en reste que des chiffres : un nombre de films ou de séries qui me donnent un pseudo statut de cinéphile connaisseur auprès de mes collègues. Mais il en faut pas se voiler la face. Je sais ce que je suis et je sais ce que Walter Mitty vit.
Sauf qu'il y a un temps pour rêver et il y a un temps pour vivre. Vivre, ce n'est pas se noyer dans les films et les séries. Vivre ce n'est pas se réfugier dans ses pensées et dans ses rêves. Vivre c'est sortir, voir le monde, voir du monde. Rencontrer des gens, voyager, faire du sport, se connecter à son corps tant qu'il fonctionne encore bien. D'ailleurs, pour une fois, la traduction française du film n'est pas mauvaise car elle devient une sorte d'oxymore : la vie, la vraie n'est pas rêvée, elle est réelle.
Ce film, c'est donc l'histoire d'un type qui va apprendre à se "connecter" à son essence. Quelqu'un qui est tout comme je viens de le décrire et dont les phénomènes hypnotiques vont peu à peu s'espacer pour laisser place à la vraie vie. A mesure que Walter vit des moments forts, qu'il remplit son CV à l'aide de Todd, le mec du site de rencontre (une parfaite métaphore d'ailleurs), il se connecte peu à peu à sa "fonction inférieure", la sensation : il se met à faire du sport, à voyager, il devient séduisant, il attire les winks sur sa page de profil. A croire que les filles n'aiment pas les rêveurs.
Voilà pourquoi 9.
9 parce que j'ai réussi à me connecter au sens profond du film, que je l'ai trouvé génial, que je devrais en prendre de la graine un de ces 4 !
Sinon, il y a une deuxième trame dans le film, une deuxième idée qui fait le file rouge du film qui est l'intrigue sur les licenciements, la fermeture du journal et la fameuse photo, une trame qui amène une deuxième morale de l'histoire, cette fois moins personnelle puisqu'elle ne concerne pas seulement Walter : le respect aux gens qui ont fait vivre une activité, qui ont compris ses valeurs et lui ont été fidèle jusqu'au bout. Il est d'ailleurs amusant de voir que cette intrigue se solde par la mise en place d'une nouvelle activité "Life online", la version "non réelle", "dématérialisée" de "Life" (tout comme le numérique est la version dématérialisée de l'argentique). Là où un homme s'est intégré, s'est connecté à la réalité. L'entreprise s'est désintégrée, éloignée de la réalité.
Enfin, un petit mot sur la réalisation, la bande originale, le casting : et bien, parfait. C'est juste ce qu'il faut. Ben Stiller est bon dans son rôle. Les musiques sont belles, les images aussi (l'Islande est magnifique). La touche d'humour là où il faut et côté effet de réalisation, on est servi : avec l'intrusion des rêves dans la réalité, cela donne lieu à quelques séquences géniales (notamment le combat entre Walter et le type chargé de le virer pour la poupée élastique).
En conclusion, si vous êtes intuitifs, La Vie Rêvée de Walter Mitty est définitivement un film que vous devriez découvrir.