Adaptation du roman du même nom de Jonathan Coe, La vie très privé de Monsieur Sim repose sur les talentueuses épaules de Jean-Pierre Bacri dans un rôle sur mesure et une écriture où se mêle la comédie, le drame et une dose de tendresse insoupçonnée. Un beau film, pour finir l'année en beauté.
François Sim (Jean-Pierre Bacri) est en pleine dépression, il a perdu sa femme, son travail, goût à la vie et sa confiance. Son père ne semble pas avoir vraiment envie de passer du temps avec lui, tout comme sa fille. Un poste de vendeur en brosse à dents, va lui permettre de traverser la France. Il va revoir les lieux où il a grandi et va devoir faire face à son passé.
Le joyeux dépressif. François Sim (Jean-Pierre Bacri) est ennuyeux à mourir, au sens propre comme au figuré. Il raconte sa vie à tout les gens qu'ils croisent, mais ceux-ci ne veulent pas discuter avec lui. La solitude lui pèse, il tente de communiquer avec tout les moyens modernes mis à sa disposition : Facebook, Skype et site de rencontres en ligne, mais cela ne change pas vraiment sa situation. Il est foncièrement gentil, capable de prêter son portable à un inconnu dans la rue où de se délecter de la cuisine d'un Léon de Bruxelles. Il annonce sa dépression avec le sourire, ce qui est assez déstabilisant dans un monde où le sujet est tabou. Il en parle, comme on parle du temps, comme si ce n'était pas grave, cela le rend attachant.
Sa rencontre avec Poppy (Vimala Pons) va changer sa vie, mais pas comme il espérait. L'oncle de la jeune femme, Samuel (Mathieu Amalric) va lui faire découvrir l'histoire d'un navigateur anglais. Cela va le bouleverser et un parallèle va prendre forme entre leurs deux parcours.
Mieux vaut tard que jamais. A travers ce parcours initiatique, François Simon va se perdre pour mieux se retrouver. Il est devenu un inconnu pour son ex-femme (Isabelle Gélinas) et tente de recréer une complicité avec sa fille (Sixtine Dutheil), en acceptant le fait que ce n'est plus une enfant, mais une adolescente. Il renoue avec son passé en compagnie d'Emmanuelle, son seul soutien moral sur la route. Il avale les kilomètres, alors qu'il semble reculer. Mais il reste désespérément seul, face à lui-même. Son sourire se fait moins présent, sa bonne humeur semble disparaître jour après jour, va-t'il finir par s'écrouler face à la vérité ?
On passe du rire aux larmes, de la joie à la peine mais il y a une constance dans ce film, le talent de Jean-Pierre Bacri. Son visage est fatigué, on lit le poids des années sur ses traits et il a une certaine ressemblance avec le défunt Sim. Au début, c'est troublant, puis sa voix, ses intonations et son sourire reprennent vite les choses en mains. On sent sa fragilité et sa gentillesse. Il est presque de tout les plans, c'est un rôle taillé sur mesure et il lui sied à merveille.
Tout le monde est à son service. La réalisation de Michel Leclerc se rapprochant de plus en plus de lui, au point de coller à sa douleur. Les dialogues de Baya Kasmi et Michel Leclerc, lui offrant de beaux moments, souvent léger comme "Monsieur Sim, comme la carte à puce" où "Il m'embrasse, pourquoi il m'embrasse ?". La gravité se lisant surtout sur son visage, où la lumière laisse doucement sa place à l'obscurité. La musique de Vincent Delerm se mêle aux images, sans être envahissante. L'ensemble fonctionne bien, malgré quelques moments de flottements, mais c'est si beau, qu'on en sort avec les larmes aux yeux.
Une oeuvre dans l'air du temps, abordant divers sujets difficiles mais avec tendresse. C'est une foule d'émotions qui traversent le spectateur, pas toujours agréable et pourtant indispensable pour se construire. Il n'est jamais trop tard pour embrasser son destin.