Qui d’autre que Jean-Pierre Bacri aurait pu donner à ce personnage de dépressif heureux, qu’est Monsieur Sim, une telle dimension ? Personne, et il y est excellent. Ce n’était pourtant pas évident au départ, l’acteur trainant derrière lui un série de rôles d’aigris dont il duplique les effets de l’un à l’autre, se caricaturant de plus en plus. Là il apporte à cet étonnant personnage toute la subtilité, la candeur et une belle âme et dès les premières minutes l’empathie nous gagne.
Ces mêmes remarques pourraient être faites au film, qui de prime abord n’a rien de glamour. Et pourtant, avec cet humour un peu féroce, cette compassion pour le sujet, et quelques scènes bien enlevées, Michel Leclerc réussit à donner le sourire à une histoire un peu sordide, qui aurait engendrée par certains réalisateurs une vraie neurasthénie chez le spectateur.
Le road movie de Monsieur Sim, sera un épisode salvateur au niveau de sa pathologie dépressive, même s’il alterne encore des moments d’euphories ou d’abattement, on sent avec lui qu’un changement s’opère. Cette évolution trouve son miroir avec le périple de Donald Crowhurst, livre qu’il a choisi pour son voyage. Donald Crowhurst est ce navigateur solitaire amateur devenu fou lors d’une course se faisant passer pour le 1er alors qu’il dérivait et finira par se jeter à la mer avant qu’on ne découvre le mensonge. Cette histoire avait fait l’objet d’une adaptation au cinéma par Christian de Chalonge, c’est un Jacques Perrin éblouissant qui tenait le rôle.
Monsieur Sim, s’agace du comportement du navigateur, lui rappelant sans cesse ce qu’il vit, ce qu’il est. Et c’est quand il décide de ne pas finir comme lui, que les choses changeront pour lui et il retrouvera goût aux choses, le film prenant alors une toute autre dimension formelle, sentimentale et visuelle.
Il y a deux manières d’aborder « La vie très privée de Monsieur Sim », soit on se fie à ce que l’on voit et l’on se réjouit avec lui, soit de manière beaucoup plus terre à terre, on peut le considérer comme un état du moment présent, sachant qu’une embellie est toujours suivie d’une rechute. A ce propos, la fin d’ailleurs est particulièrement équivoque.
Quoiqu’il en soit, on gardera de Monsieur Sim un souvenir attendri avec sa folie douce, et son courage à vouloir vaincre toujours et encore cette maladie si dévastatrice.