Hong Sang-soo fait figure d'OVNI aux yeux de nous, occidentaux, qui ne connaissons le Septième Art coréen que par le biais de ses thrillers coup de poing et ses policiers maîtrisés (tout du moins pour les chanceux qui parviennent à s'exporter hors de leurs frontières). Loin de tout ça, Sang-soo préfère le drame humain, la tragédie amoureuse au beau milieu d'une société coréenne vivant sa vie de tous les jours. Il troque le suspense mené tambours battants par un rythme beaucoup plus posé qui en sera autant une qualité formelle pour les cinéphiles exigeants qu'un repoussoir pour ceux habitués à une action omniprésente. Si mes premiers pas ne se sont pas fait de la meilleure des manières avec "Matins calmes à Séoul" (nonobstant l'un des plus beaux baisers que j'ai pu voir dans le cinéma), les choses ont changé avec "Un jour avec, un jour sans" qui me laissait entrevoir que le réalisateur pouvait me plaire si je m'ouvrais à lui avec une autre manière d'appréhender le cinéma coréen.


"La Vierge mise à nu par ses prétendants" m'attirait autant par son sujet que par son titre en mesure d'intéresser n'importe qui au moins l'espace de 10 secondes. Déjà en 2000, Sang-soo avait une force dans sa manière de filmer. Il sait capter la sensibilité, l'innocence des relations amoureuses naissantes dans une civilisation que l'on s'imagine prude. Cela nous saute aux yeux en scrutant les attitudes de nos personnages qui n'osent pas se confier à l'autre, préfèrent se recroqueviller dans leur carapace, peut-être par peur d'exhiber leur amour qu'ils verraient comme une fragilité. Sans trop d'étonnement, j'ai été dans l'incapacité de ne pas penser aux premiers émois de ma jeunesse, timide, craintif, à mesure que se déployait à travers la caméra un jeu de séduction qui n'en était pas un. Oui ça nous sort du film mais pour un délicieux instant de nostalgie car repenser à ces beaux moments de notre vie ne peux que nous combler.


Quelque part, La Vierge.... par ses prétendants préfigure "Un jour avec, un jour sans" dans sa manière de décomposer le récit en deux parties très distinctes, elles-mêmes découpées en plusieurs chapitres. Toutefois, avec seulement trois films à mon actif du coréen, je suis incapable de dire si ce procédé a déjà été employé avant. Ces deux parties ont chacune un travail d'atmosphère bien particulier, une perception des sens bien différente que chacun appréhendera avec son propre ressenti. L'on peut postuler que ces deux points de vue se rapportent soit à l'homme ou à la femme. On serait tenté de dire que la première, plus romancée, est la vision de notre mâle introverti sentimentalement parlant, alors que la deuxième, plus désenchantée mais aussi plus réaliste, serait vue à travers le prisme féminin. Quoi de plus logique que notre Soo-Jung se sente oppressée par son statut de vierge, renvoyant dans notre inconscient à la figure pure, Plus charnelle, plus portée sur l'extase des sens et finalement sur la dichotomie envie/peur bien plus omniprésente qu'avant.


Indubitablement, cette construction scénaristique perturbera et sera autant une force qu'une faiblesse pour le spectateur. Les détails changent, les paroles aussi et doivent nécessiter d'entrée de jeu une attention constante sans quoi la perdition sera de mise et sans surprise une lassitude de celui qui ne rentrerait pas dans ce simili délire qui nous interroge sur ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. C'est donc une interrogation qui se pose au finish mais que l'on percevra davantage comme une métaphore d'une conscience différente entre l'homme et la femme sur l'épineuse question de l'amour. Un long-métrage (à mes yeux, ce que j'ai vu de mieux de HSS) qui nécessitera un deuxième visionnage pour mieux en extraite toute son essence.

MisterLynch
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le 30 juin 2021

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MisterLynch

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