Le Monde Perdu
J'ai lâché Guédiguian voilà près de 20 ans, avec le sentiment - sans doute injuste - que ses chroniques enchantées sur la classe ouvrière et sur Marseille, qui m'avaient été si chères, n'avaient plus...
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le 12 déc. 2017
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J'ai lâché Guédiguian voilà près de 20 ans, avec le sentiment - sans doute injuste - que ses chroniques enchantées sur la classe ouvrière et sur Marseille, qui m'avaient été si chères, n'avaient plus rien à me dire. Ou peut-être ne me disaient plus rien à moi que la vie professionnelle entraînait loin de la France, dans un monde qui semblait s'ouvrir et promettre un avenir nouveau, loin, bien loin aussi géographiquement qu'idéologiquement de la lutte des classes. Ce fut donc un choc, une surprise de me retrouver, les yeux ruisselants de larmes, dans une salle où les 10 spectateurs présents avaient mon âge et plus, devant "la Villa". Un film qui commençait mal, avec son air trop "français" de règlements de comptes familiaux : la fratrie désunie qui se retrouve au chevet du père mourant, le retour au pays, le lourd "secret" qui a empoisonné l'amour fraternel, etc etc., ça ne fait vraiment plus envie... Et puis la "magie Guédiguian" renaît, ou plutôt est là, intacte, derrière le scénario convenu, clicheteux parfois, facilement naïf : cette générosité et cette combativité intacte transcendent peu à peu l'atmosphère dépressive et la tonalité grisâtre des regrets stériles d'un monde perdu, englouti par le Temps, l'Argent et la fin des illusions politiques. Magie d'une petite troupe d'acteurs, toujours les mêmes (dont Darroussin, ici impérial, grâce lui soit rendue), mais avec de nouveaux arrivants chargés de défendre avec sincérité le parti de la generation actuelle (internet, start-up, business, attrait de Londres, etc.). Magie d'un lieu qui est à reconquérir alors que se profile la menace de la gentrification. Magie de la Vie quand explose littéralement à l'écran le flash-back tiré d'un ancien film de Guédiguian, quand l'avenir semblait encore promettre du soleil, de l'amour et des rires. Mais ce qui sauve "la Villa" et le porte loin de l'hiver vers la grandeur, c'est cette certitude renouvelée que l'existence reste un combat - sans plus d'idéologies mais c'est tant pis, ou tant mieux : la générosité, la rébellion, le don de soi sont plus nécessaires que jamais face aux défis actuels (ici l'horreur migratoire), et constituent même la seule façon de se retrouver, de vivre en paix avec soi-même. Comme un écho du passé, un écho bouleversant porteur de vie. [Critique écrite en 2017]
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le 12 déc. 2017
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