C'est un western assez âpre, tendu et étrange avec son décor désolé en plein désert de sel, où Wellman réussit à transcender un scénario très stéréotypé et banal, en le transformant en une sorte de poème tragique. On est bel et bien dans le domaine du sur-western, c'est à dire un western basé sur la réflexion forte, une variation formelle qui tout en laissant intactes la dramaturgie et la thématique traditionnelles, cherche à justifier son existence par un intérêt supplémentaire, ici l'esthétique, la psychologie et l'ambiance, en évitant de justesse un excès d'intellectualisme.
En effet, Wellman privilégie l'esthétique surtout par la photo au noir & blanc superbe et limpide, ainsi que l'atmosphère qui réside dans une tension constante, une ambiance lourde et tendue où la lente montée des passions donne son prix à un western d'une rigueur et d'une austérité rares. Le film prend aussi sa force dans son efficacité narrative et la psychologie de ses personnages, l'action est plutôt statique, sans chevauchées ni grandes scènes en extérieurs, elle passe par la réflexion, et les héros échappent à tout manichéisme, malgré un conflit entre le chef d'une bande de hors-la-loi et ses hommes, divisés par la convoitise d'un magot. On peut noter une curieuse similitude avec l'intrigue du Trésor de la Sierra Madre de John Huston, où l'or faisait perdre également toute raison aux prospecteurs, sauf que Huston fit de la cupidité meurtrière l'instrument du destin de ses 3 personnages. Ici, Wellman surcharge son histoire par une plus grande complexité liée à la rivalité autour du magot caché d'un vieux mineur qui se double de la rivalité autour de la fille de ce mineur, incarnant un élément érotique.
Comme on le voit, l'amateur de western habitué à un traitement traditionnel et plus mouvementé, pourra se trouver désappointé par cette illustration formelle et psychologique. Reste aussi l'interprétation : face à Gregory Peck, sorte de bloc monolithe sans trop de nuances, Anne Baxter joue une fille qui n'a pas froid aux yeux, et surtout Richard Widmark alors au début de sa carrière, livre une prestation remarquable de "bad guy" dans un rôle inquiétant, en s'offrant un duel final nocturne tourné à l'esthétique dans une ville en ruines. Un curieux western, à voir, où son réalisateur donnait une portée nouvelle au genre, et qui fut aussi exploité sous le titre de Nevada.