Le papier qui dit vrai

Très chouette film, belle découverte ! Qui donne envie de lire le bouquin ; à en lire le résumé du roman, ça a l'air plus trash que le film, puisqu'ici la torture est ellipsée.

L'intrigue est bien menée malgré le ballotement du personnage principal. Cela fonctionne car l'objectif principal reste le même : rentrer chez soi (en faisant remarquer l'erreur administrative). Les conflits abondent mais la bonne diée est d'avoir créé ce personnage un peu naïf, qui ne se rend pas compte de ce qu'il traverse ; ce détachement rend les obstacles moins infranchissables, puisqu'on réduit ça à une erreur administrative plus qu'à une pratique odieuse.

Le film est très actuel ; certes, nous ne vivons pas ce conflit (même si la Russie est en train d'envahir l'Ukraine), n'empêche que ce refus des autorités de se remettre en question, de tout faire passer par la paperasse (si c'est écrit c'est que c'est vrai) fait furieusement écho à notre société où tout est de plus en plus écrit, compilé sur des petits formulaires, plus souvent pour se protéger que pour résoudre un véritable problème (je le vois au quotidien en tant qu'enseignant, toute la paperasse qu'on nous fait faire sert avant tout à justifier aux familles qu'on a tout fait pour leur enfant et ainsi être inattaquable).

Ce qui est fascinant, c'est que l'auteur aurait pu arrêter son récit à l'arrivée des américains ; au lieu de ça il va respecter le fait réel, à savoir que les alliés ne sont pas mieux puisque la chasse aux sorcières se poursuivra avec le camp opposé : les roumains ne sont pas de bons gars, ni les soldats qui auraient aidé les résistants et encore moins ceux qui ont la malchance de représenter une des races pures que les SS cherchent à défendre (même s'ils n'ont rien demandé).

Et tout ça tient grâce à un personnage principal naïf, amoureux et touchant, qui ne perd jamais vraiment son optimisme. Sa femme aussi est décrite comme simple et sincèrement amoureuse. Le couple tient bon ; j'imagine que dans le livre le personnage féminin est un peu plus exploité, ici il disparaît un peu trop longtemps en milieu de film. L'humour est également pour quelque chose dans la réussite de ce film, car si certaines scènes sont assez horribles sur le fond, il y a dans le traitement quelque chose de léger, qui se confirme au travers du personnage principal qui semble complétement perdu.

La mise en scène tient la route aussi ; c'était l'époque où, si le réalisateur avait besoin de 200 figurants, on engageait 200 figurants, l'effet de masse est ainsi bien plus saisissant qu'une attaque armée avec 20 figurants et 2000 personnages numériques... les décors sont bien trouvés, pas assez exploités vu la densité du récit et le nombre de lieux utilisés. Le découpage est sobre et efficace, le montage est bien rythmé. Les acteurs sont tous très bien ; on saluera surtout la performance de Quinn parvient à faire de son personnage un homme simple et non un simplet attardé (la frontière était mince).

Bref, très chouette film.