Commencé sous les apparences d'un dialogue explicatif sur la politique bancaire, la Voie Lactée relate le voyage et les rencontres de deux vagabonds qui suivent la route de Compostelle, appelée parfois la Voie Lactée.
Le riche voyageur: _ Tu as de l'argent?
Le premier vagabond: _ Non, monsieur.
Le riche voyageur: _ Tu n'auras rien! Rien du tout!
_ Et toi, tu as de l'argent?
Le second vagabond: _ Oui, monsieur. Moi, j'en ai un peu.
Le riche voyageur: _ Alors tu auras beaucoup plus! Tiens!
Ces vagabonds dont le seul but est de gagner un peu d'argent rencontrent un peu plus tard au cours de leur voyage tout sauf initiatique un prêtre français qui fait un sermon enflammé dans un lieu public, et qui finit raccompagné par des infirmiers psychiatriques. Six séquences sont ainsi le prétexte à six sketches plus ou moins humoristiques mais toujours sous le signe de l'absurde.
Le but de ces séquences que certains traiteront de sacrilèges est-il de désacraliser la religion catholique ou est-ce seulement un terrain encore inexploré prétexte à se marrer entre les deux potes Luis Buñuel et Jean-Claude Carrière ? Dans le contexte de l'Espagne national-catholique des années 60 les références à la religion devaient parler à certains, mais de nos jours ces histoires sans lien entre elles et riches en anachronismes suscitent l'interrogation, et leur interprétation est pour le moins hasardeuse. Luis Buñuel et Jean-Claude Carrière se sont amusés à retranscrire certaines paroles des Evangiles, en insistant sur les facettes les plus absurdes ou les plus incompréhensibles des Ecritures et de leur interprétation. Les intentions semble-t-il sont de souligner les paradoxes des Evangiles à l'image du dialogue d'introduction et de se moquer de la complexité inextricable de la théologie, à l'image du duel à l'épée à la fois physique et verbal entre un janséniste et un jésuite où un des protagonistes déclame:
«...Pour mériter et démériter dans le cadre de la nature corrompue, il n'est pas nécessaire que l'homme ait une liberté exempte de nécessité. Pour mériter et démériter dans le cadre de la nature corrompue on ne résiste jamais à la grâce intérieure. Il faut que l'on soit délivré de toute nécessité absolue et même relative...».
Après avoir voulu s'entretuer le janséniste et le jésuite finissent par repartir amis, les voies du Seigneur étant impénétrables!
A vouloir mélanger des univers incompatibles tels l'humour et la théologie, avec des séquences qui alternent cruauté, insolite, rêve et non-sens au sein d'époques différentes le film est parfois drôle et ressemble à du Monty Python mais il est le plus souvent déconcertant.
Il reste cependant au crédit du film cette ultime révélation écrite tout à la fin de la Voie Lactée: «Tout ce qui, dans ce film, concerne la religion, est rigoureusement exact.»