La difficulté avec un film, c'est que l'on peut y créer l'univers que l'on veut, qu'il colle à la réalité ou non. Or, si l'on veut parler d'un objet qui existe en dehors du film, pour en faire une critique honnête, il faut bien le connaître et savoir le décrire sans en faire trop ni trop peu.
Sur les détails, le film ne se trompe pas trop : jeu d'acteur excellent montrant bien la déception, la frustration, et l'euphorie qu'on peut ressentir en prépa, l'emploi du temps d'une prépa y est bien décrit, ...
Sauf que... sauf que le film veut tellement faire passer son message sur les limites de la prépa, de ce modèle, de cette caste, qu'il en oublie la crédibilité.
Pour avoir moi-même préparer l'X, et pour baigner dans un environnement familial de profs de prépa de province (qui accueille un public assez diversifié), je peux vous dire qu'un élève qui a le niveau pour l'X, ça se voit direct. Je venais d'une petite prépa de ville de seconde zone, je n'étais pas spécialement mieux préparé que les autres par le lycée, mais j'ai senti dès les premières semaines que j'avais "un petit plus". Et oui, ce petit plus est difficile à exprimer, "une inventivité" comme dit la colleuse.
Ainsi donc, le message du film aurait dû être : il n'y a pas que la voie royale ou la meilleure prépa pour réussir dans la vie, mais le message actuel laissant croire qu'on peut intégrer l'X en étant juste moyen est ridicule. Les quelques "admis voies parallèles" qui se retrouvent à l'X ou autres grandes écoles sont en général des gens qui auraient roulé sur la prépa s'ils y avaient été. On voit bien d'ailleurs le malaise du réalisateur face à cette contre-vérité si implausible qu'elle aurait été difficile à mettre en images : il l'élude et passe directement de la case "je m'incris à la fac" à la case "concours".
Les problèmes de la prépa, c'est la pression qu'elle impose justement à ceux qui ne pourront jamais intégrer l'X, ou à ceux qui n'ont pas les moyens financiers de passer une année de plus pour avoir l'X (la fameuse 5/2), ou la culture nécessaire pour les épreuves de français, d'anglais etc. (complètement éludée dans ce film)... Mais il est absurde de penser que la Fac pourrait faire briller des gens moyens, ce que la prépa ne saurait faire.
Et alors le plus drôle pour moi, c'est que toutes les scènes des oraux et de l'intégration à l'X sont filmées... à Télécom Paris. De là à voir un clin d’œil subversif aux controverses sur les classements des écoles d'ingé, il n'y a qu'un pas.