Rien à voir évidemment avec le film serbe déviant et malsain, d'une violence extrême, d'une horreur incroyable.
L'histoire n'est pas la même, les enjeux ne sont pas les mêmes, toutefois, l'horreur est bien présente, les monstres sont bien présents, et nous voyons ici une des origines des plaies béantes dans lesquels la vermine s'est infiltrée pour pourrir une société malade.
L' horreur est donc bien réelle, bien présente, mais pas montrée de manière frontale. Alors qu'il y avait matière : tirée de faits bien réels, le film nous raconte les événements de Srebrenica, en juillet 1995, orchestrés par le tristement célèbre général Mladić, surnommé le Le Boucher des Balkans, à juste titre.
Des milliers de réfugiés entassés dans la base de L'ONU, ou aux portes de cette base surchargée, en plein soleil d'été, dans des conditions inhumaines, dont le dénouement sera un massacre, un génocide jamais nommé, une épuration ethnique jamais désignée comme tel.
Tout est suggéré, rien n'est montré, ou très peu.
Par choix, pour ne pas glisser le film dans le genre "horreur" ou "guerre" particulièrement sanglant. Peut-être par manque de moyens aussi. Mais je pense que c'est le bon choix, car le but n'est pas de choquer, de divertir l'amateur de films extrêmes, mais d'expliquer, de sensibiliser, de rendre hommage.
La tension est extrême d'un bout à l'autre. Très peu de répit est accordé au spectateur.
Jusqu'à une conclusion édifiante et bouleversante.
Jasmila Žbanić ne cherche pas le larmoyant, elle ne veut pas s'apitoyer sur les faits. Tout est fait avec subtilité.
De l'impuissance des casques bleus hollandais, à cette mascarade faisant office de négociations, en passant par une mini déportation par bus, avec comme finalité une mise à mort collective, bien souvent, les regards remplacent les mots.
Le regard d'un chauffeur de bus lourd de sens. Le dernier regard d'un père à ses fils. Le regard d'une professeur aux enfants des victimes et des bourreaux mélangés à l'occasion d'un spectacle d'école.
Le dernier quart d'heure propose des scènes tout aussi puissantes que le reste du film : l'identification de dépouilles exhumées de fosses communes, une mère seule dans son appartement vide, dans tous les sens du terme, qui s'imagine des voix.
Quo Vadis Aïda?, c'est Bosnian nightmare, The Purge à la sauce bosniaque. Des voisins, des élèves devenus adultes qui prennent les armes pour abattre leurs voisins, leurs anciens professeurs, pour des raisons obscures.
Cette œuvre est magnifique. J'en suis ressorti assez chamboulé.
Jasna Djuricic compose magistralement une interprète, ancienne prof, prise dans une tempête, se démenant pour sauver les siens, qui sera finalement confrontée à un mur. "On respecte les règles" lui dira un gradé Casque Bleu. "Ne faites pas chier les serbes" diront les hautes instances de l'ONU. La connerie humaine dans toute sa splendeur.
De nombreuses images rappellent d'ailleurs d'autres images déjà vues dans les années 40...
Un film terrible, très juste, reparti bredouille de la Mostra 2020. Comme quoi les festivals, c'est surfait.