Réalisateur peu prolifique, Jonathan Glazer a le mérite de secouer à chaque fois. Vous pensiez avoir tout vu sur la Shoah ? Le Britannique va vous prouver le contraire...
"The Zone of Interest" chronique le quotidien de la famille Höss, qui vit paisiblement... à côté de l'enceinte d'Auschwitz. Et oui, le funeste Rudolf Höss n'était autre que le commandant du camp, tristement célèbre pour son "efficacité".
Pour ma part, ce film a particulièrement résonné puisqu'il m'a un peu évoqué mon enfance (!). J'ai grandi dans une maison de cadre proprette, à deux pas d'une usine pétrochimique. Très loin de moi l'idée de mettre la pétrochimie et la Shoah sur le même plan, mais j'ai retrouvé des choses similaires.
L'insouciance des enfants à ce qui se passe, les "cadeaux" de l'entreprise, les mauvaises odeurs certains jours, le bruit de fond qui finit par devenir inaudible, les balades au milieu de retenues d'eau souillées par les effluents, la vue sur les cheminées...
Ce portrait cru m'a ainsi paru aussi fort que réaliste. La plongée dans la famille Höss est saisissante. Avec notamment cette matrone ignoble incarnée par l'excellente Sandra Hüller. Et la psychologie de ces gens, pour qui la vie de déportés ne vaut rien, et qui ne se préoccupent que de choses superficielles.
Mais l'ensemble est beaucoup plus intelligent qu'une simple critique de l'élite nazie. C'est une vision clinique de l'intérieur (ou plutôt de l'extérieur ?) sur l'une des machines de mort les plus terrifiantes jamais mises en place par l'Humanité.
La photographie naturelle, et ce jardin paradisiaque, tranchent totalement avec ce qui passe de l'autre côté des clôtures, évoqué presque uniquement en hors champs. Glazer a laissé de nombreux détails funestes en arrière-plan (ces trains qui déboulent sans arrêt !). Tandis que le montage sonore est génial. Laissant deviner en quasi-permanence des cris, des tirs, de la souffrance... bref les rouages de l'industrie de la mort. Rien que ce montage sonore vaut le coup d'être découvert en salles.
Avec en prime des idées de mise en scène brillantes. Et une réplique qui, je l'avoue, m'a fait m'esclaffer tout seul dans la salle... Humour absurde auquel le public était trop sonné pour être réceptif, ou mauvaise interprétation de ma part, je l'ignore...
"The Zone of Interest" a été pour moi une grosse claque, qui secoue autant qu'elle fait froid dans le dos. Le film divisera sont public, mais il aura le mérite de ne laisser personne indifférent.