Connaissant un minimum le travail de Glazer, il paraît assez improbable qu’on s’attende de sa part à quelque parabole morale ou politique. Et s’il y a un contenu moral à tirer du film, ce qui n’est pas à exclure, il ne me paraît pas d'une grande finesse. Jugeons plutôt ce qui me paraît clair de l’ambition avant tout formelle du cinéaste : mettre en place un dispositif, une situation narrative, à partir de laquelle il créera une expérience de cinéma inédite pour le spectateur. En l’occurrence, un hors-champ plutôt pesant qui altère en permanence ce qu’on voit sur le plan et charge des images parfois banales de quotidien familiale d’un malaise diffus. Bien sûr, l’impeccable et oppressante partition sonore y participe grandement, sans compter qu’il est parfois explicitement question de ce qui se passe de l’autre côté du mur dans les dialogues. Tout ça est d’une grande maitrise, et offre dans ses meilleurs moments une vraie angoisse et des éclairs de beauté funèbre. Mais pour que ce dispositif ne se réduise pas à lui-même et à ses effets parfois lourdauds (la scène des fleurs), Glazer dispose tout un tas de micro-pistes narratives et de nombreux détails que le spectateur doit vraiment aller chercher : les lits séparés du couple, la cigarette donnée au jardinier, la santé du commandant, les deux gamins etc etc etc … Malheureusement, ce pointillisme narratif de petit malin me parait relever de l’artifice un peu vain, pour faire passer le film pour plus riche qu’il ne l’est. D’ailleurs, on quitte pour de bon le dispositif dans la dernière partie, comme aveu de l’essoufflement de ce dernier, et cette séquence elle-même est parfaitement représentative du film : virtuosité de cinéma (l’atmosphère angoissante de la fête) et légère balourdise (le flash-forward).