Pendant les 30 premières minutes du film, la sidération. Le coeur qui tape si fort dans la poitrine, les yeux qui s'embuent et se demander si l'on pas pouvoir tenir 1h45...
Puis une forme de culpabilité qui s'installe, celle de s'être petit à petit habitué, comme cette famille, à ce qui se passe hors champ, à cette réalité aberrante, malgré les éléments disséminés pour suggérer l'horreur : la fumée d'un train qui passe ou d'une cheminée au loin, des cendres transportées par la pluie dont il faut se laver dans le bain, un mouchoir pour se couvrir le nez... mais aussi et surtout une bande-son glaçante avec, outre des cris et des coups de feu entendus à intervalles réguliers, un bruit de fond qui ne laisse aucun répit et que l'on ne peut s'empêcher de rattacher au ronflement des fours crématoires. Viennent s'ajouter deux éléments perturbateurs mettant le spectateur dans une zone d'inconfort permanent : un bébé qui ne s'arrête jamais de pleurer et un chien envahissant.
Une expérience sensorielle unique renforcée par une mise en scène impressionnante. Des cadres tous parfaits permettant de mettre à distance tout en suggérant, des plans fixes et des angles de caméra qui filment les personnages avec une distance et une froideur extrêmes, une bande originale dissonante qui renforce le malaise... et un côté expérimental avec de longs noirs au début et à la fin, des scènes troublantes en "négatif" et une fin saisissante.
Ce n'est donc pas un mais deux films qui se mêlent : celui que l'on voit à l'écran et celui que notre imaginaire se construit en parallèle sur tout ce qu'il se passe hors champ. Le limiter au portrait de cette famille et plus généralement à une énième représentation de l’inhumanité des nazis serait réducteur. Sa grande force est de trouver un nouvel angle et de parvenir à secouer avec autant de force sur un tel sujet.
Ce dispositif met en avant le devoir de mémoire, la force et l'impact du film sur le spectateur reposant essentiellement sur les connaissances qu'il a de cette période et les représentations qu'il s'en fait. Une mise en garde contre l'indifférence, la banalisation et le risque d'oubli.
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