Dix ans après le précédent film de Jonathan Glazer, "Under the Skin" qui avait déjà fait parler de lui (autant en bien qu'en mal d'ailleurs), le réalisateur revient avec une idée forte : une petite famille de nazis emménage juste à côté du camp Auschwitz Birkenau. Voilà, l'idée est simple mais géniale et me donnait énormément envie, surtout avec les nombreuses critiques élogieuses et toutes les récompenses qu'il a. Mais je dois bien avouer que j'en ai été assez déçu !


Pourtant, connaissant le style du réalisateur, je m'attendais au côté expérimental du film qui nous met d'ailleurs tout de suite dans le bain avec une très longue scène d'introduction qui n'est autre qu'un écran noir avec du son que l’on n’arrive pas à identifier au départ, qui nous agresse un peu et puis qui se transforme petit à petit en bruits de la nature, notamment des chants d'oiseaux. Et cette scène est important puisqu'elle indique directement ce sur quoi va porter le film : une constante différence de ton dans un univers divisé. Eh oui, cette division, on l'a bien-sûr avec le mur séparant la maison pavillonnaire du camp dont ce qui s'y passe se déroule hors-champ. Choix qui a beaucoup été critiqué par certains mais c'est en même temps le but du film, le réalisateur veut ici s'intéresser à la famille de nazis qui tente de vivre comme si de rien n'était malgré l'horreur se déroulant à côté d'eux.

On a en effet le pastiche de la famille nucléaire avec les parents et les deux enfants, le pavillon, la piscine, le père qui part au boulot le matin (pouvant rejoindre le camp directement de son jardin) et le fait qu'il ne s'y déroule pas vraiment d'enjeux renvoie justement à la monotonie de ce genre de famille et de ce mode de vie. De cette partie, on peut également retenir l'excellente séquence dans laquelle la mère de famille fait visiter son jardin à sa mère, avec le mur juste derrière elle. Et puis bien-sûr, il n'y a pas que le mur, il y a également tout ce travail autour du son notamment avec les coups de feu, les cris, les bruits d'usine dont on imagine être les fours crématoires etc.


Enfin toute cette partie est excellente en plus d'être très inventive dans sa représentation de l'horreur de l'Holocauste. Seulement, c'est un concept en or mais c'est un concept qui fonctionne sur quinze minutes. Ce que je veux dire, c'est qu'au bout d'une heure, j'ai sérieusement commencé à trouver le temps long, surtout que le film s'égare ensuite dans la vie du père de famille, de sa mutation, de ses problèmes de santé etc. sans que ça ne mène réellement à quelque-chose. Par exemple, nous avions sensiblement le même concept dans "Le Garçon au pyjama rayé" avec une famille de nazis habitant à côté d’Auschwitz. Le traitement de l'histoire était différent bien-sûr mais l'histoire menait à quelque-chose, là on a souvent l'impression que le réalisateur cherche avant tout à justifier le fait qu'il raconte du vide de par le concept du film. Ce qui fonctionne certes, encore une fois, dans la première partie mais qui s’essouffle très rapidement.


En fait, j'ai eu la désagréablement impression d'être devant un film cherchant avant tout à cocher toutes les cases de Cannes, surtout que le réalisateur abuse d'effets de mise en scène intellos et auteuristes qui feraient presque parfois tomber le film dans sa propre parodie. Et c'est dommage car la mise en scène est, encore une fois dans la première partie, très efficace avec ces cadrages très symétriques et soignés et cette caméra immobile, semblable à du documentaire.

"The Zone of Interest" est donc un film très intéressant dans sa première partie mais dont le concept s’essouffle, à mon sens, très vite.

Shawn777
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le 3 févr. 2024

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