Bonjour tout le monde,
Le film :" The zone of interest " en VOST
Le réalisateur : Jonathan Glazer
Grand prix au festival de Cannes de 2023.
La durée : 105 minutes.
" Le ventre est encore chaud d' où est sortie la bête immonde. " de Bertolt Brecht.
Voici le quatrième long métrage de l' anglais Jonathan Glazer ( Sexy Beats, Birth et Under Skin auparavant).
Le génial Stanley Kubrick fit commencer "2001, A Space Odyssey" par environ cinq minutes de musique du hongrois György Ligeti avec un écran noir pour placer les spectateurs dans un état particulier.
Jonathan Glazer fait de même avec une musique bruitiste comme ouverture de son œuvre cinématographique.
Au vingtième siècle , il convient de citer le documentaire " Nuit et Brouillard " d ' Alain Resnais ( 28 minutes) et le documentaire " Shoah " ( 9 heures 35 minutes de témoignage) de Claude Lanzmann pour évoquer l' Holocauste perpétré par l' idéologie du parti national socialiste des travailleurs allemands et son führer.
Il y a quelques années le jeune cinéaste franco - hongrois Lazlo Némes proposa un film étonnant et quasi documentaire " Le fils de Saul " qui reste comme une œuvre mémorielle et pertinente sur un aspect de la Shoah.
Ici, les caméras de Jonathan Glazer sont placées comme des caméras de surveillance à l' intérieur d' une grande villa , relativement proche de Cracovie où vit le couple Hoss et leurs enfants et leur domestique .
Cette villa , à trois niveaux , est entourée par un espace vert, un potager, une serre , une petite piscine et tout proche coule une rivière. Un petit lac orne une belle campagne et une forêt où les chants des oiseaux sont merveilleux !
Les caméras sont loin des personnages et nous avons des plans séquences et des travellings précis qui interdisent toute identification possible à tel ou tel personnage ce qui donne une impression de documentaire et cela est très intéressant et pertinent .Évidemment , on voit ,du jardin , un mur au fond et des bâtisses hideuses et quelques cheminées ...........
Rudolf et Heidwig Hoss semblent heureux au milieu des enfants et parfois viennent des invités.Heidwig est une bonne mère de famille et mentalement neutre en ce qui concerne ce qui se passe de l' autre côté du mur et des barbelés.
Constamment on entend une bande son qui s' amplifie en direction du mur et est plus tenue dans la villa!
En somme nous observons vivre ces gens avec une bande son où des coups de feu claquent ou des cris horribles surgissent ou parfois on entend le bruit d ' un train ou des voix apeurées ,etc.. Des fumées tapissent le fond de l ' écran parfois ...........Alors l' horreur organisée et planifiée est là par le son et nous voyons vivre la famille de l ' officier S.S. Rudolf Hoss chef du camp d ' extermination d' Auschwitz - Birkenau.
Nous imaginons ce qui se passe par delà le mur par la bande son et ici réside la force nécessairement horrible du film dû au décalage entre une vie de famille et une catastrophe programmée et organisée qui prend la forme d' une usine à produire des cendres humaines sans arrêt.
Judicieusement placé , il faut signaler deux moments filmés en négatif qui font briller une adolescente polonaise comme une lueur d' espoir et de résistance dans la lourde nuit nazie..........
A trois reprises la caméra surplombe une réunion des dignitaires S.S. ou un repas de la famille Hoss ou un réunion à Berlin capitale du troisième Reich. Filmés par le haut , ces humains sont comme
"des abeilles " sous le regard omniscient d' Adolf Hitler ou plus exactement cet "oeil caméra " illustre le délire idéologique et messianique du Führer descendu de son nid d ' aigle pour les gouverner mille ans..........
Voici une œuvre cinématographique exigeante pour le spectateur et heureusement !
Voici une œuvre cinématographique qui propose , sans dialogue dans les dix dernières minutes , une méditation ardue avec deux ellipses temporelles et un plan " saut temporel" particulièrement bien venu.
Pour marquer le passage du temps quatre fois l ' écran devient noir puis blanc puis rouge et puis noir avec un tout petit cercle blanc en son milieu.
On ne peut pas filmer l' ignominie absolue , on peut la faire entendre par des sons d ' effroi ou de folie ou de délire idéologique notamment. Soulignons le travail sonore exigeant et glaçant, tout au long de cette oeuvre cinématographique atypique, qui ne banalise pas la Catastrophe c ' est à dire la Shoah.
Montrer , en fiction , la "vie" dans un camp d' extermination est risquée car cette réalité ne peut pas être vue assis dans un fauteuil mais plutôt entendu uniquement de manière sonore .
Ce fût l' erreur de Steven Spielberg dans certaines scènes de " La liste de Schindler" ( scènes du ghetto de Varsovie et du camp d ' extermination des juifs,des tziganes et autres " non - humains " selon l' idéologie de la race des seigneurs c ' est à dire des "purs " aryens )..........
Le bruit de fond musical ou la musique bruitiste devient sirènes ardues et stridentes et nous place face à la Catastrophe ..face à la Shoah...
Le silence des pantoufles est aussi alarmant que le bruit des bottes , au sens propre comme au sens figuré ..........
Jonathan Glazer semble approuver les analyses de la philosophe Hannah Arendt au sujet du nazisme. Et vous?
" The zone of interest " nous questionne sans artifice et avec force !
Comment aurais-je vécu à cette époque ? Qu' aurais - je fais ? Et vous ?
Il y a des événements historiques qui ne doivent jamais être oubliés ni relativisés .
A voir et à méditer lucidement.
Vous pouvez partager ce petit texte vers d ' autres personnes évidemment.
Merci.
Amicalement.
Gérard Michel