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L'année 2023 commence fort avec ce magnifique Zone of Interest !

L'adaptation du roman homonyme de Martin Amis reprend également l'idée de La mort est mon métier, grand classique de la littérature, par Robert Merle.


Nous suivons Rudolph Höss, le directeur du camp de la mort d'Auschwitz, ainsi que sa famille durant les premiers mois de la solution finale.


Le film de Jonathan Glazer est un exemple en matière de mise en scène de l'horreur d'un massacre tout en conservant une certaine pudeur et un respect envers les victimes. Le réalisateur fait le choix génial de montrer, non pas le massacre lui-même au risque de tomber dans un pathos un peu facile et déjà-vu (La liste de Schindler) mais plutôt d'axer son récit autour de la banalité du mal. Concept très intéressant théorisé par la philosophe juive allemande Hannah Arendt dans son Eichmann à Jérusalem (1963) pour lequel elle a assisté au procès du nazi Adolf Eichmann, responsable de la solution finale. Dans son essai, Arendt s'attèle à déconstruire la figure du "mal" que nous aurions tendance à romantiser. Au contraire, elle présente le criminel de guerre comme un homme profondément normal, médiocre et même un peu stupide au sens où il se refuse à penser, à remettre en question les ordres qui lui étaient donnés. Le mal peut se cacher en chacun de nous à partir du moment où nous abandonnons notre esprit critique à des personnes plus "responsables".


Dans la Zone d'intérêt, la famille Höss est présentée comme une famille bourgeoise allemande tout à fait normale, aimante, qui passe ses journées à s'occuper de son jardin. La réalité est plus sombre puisque ce dit jardin se trouve accolé au mur du camp de la mort. A plusieurs reprises, alors que nous regardons les enfants s'amuser dans le jardin, nous entendons les cris, les tirs qui retentissent sous le magnifique ciel bleu. Mais les Höss font comme si de rien n'était, s'enferment dans cette bulle idyllique, quitte à déshumaniser les juifs. A l'image du spectateur, les personnages ne voient pas l'horreur. Même les sons ne parvient pas à nous sortir la tête de ce faux paradis. Ainsi, le réalisateur parvient à dire plus tout en en montrant moins.

Le film s'ouvre d'ailleurs avec une scène glaçante où l'on ramène à la maison des robes et des bijoux qui sont distribués aux filles et aux femmes de la famille. Tout le monde sait pertinemment qu'ils viennent de juives à qui ils ont été confisqués mais l'on continue de faire mine de rien et on profite des cadeaux.

Tout est fait pour préserver ce petit havre de paix.

Plus tard, Rudolph se voit offrir un nouveau poste pour lequel la famille va devoir déménager mais sa femme s'y oppose, de peur de perdre ses petites habitudes, ses contacts. Vivre à côté d'une usine de morts ne semble pas la gêner. Le mot est bien choisi puisque dans une autre scène, nous assistons à une réunion entre Höss et d'autres ingénieurs allemands à propos de l'amélioration des instruments d'exécution du camp de manière à tuer toujours plus de personnes en moins de temps possible. On parle ici de chiffres, de rentabilité, de productivité. A les écouter, on a l'impression qu'ils parlent de brioches qu'on enfourne alors qu'il s'agit bien d'êtres humains. Nous avons là une parfait représentation d'à quel point le génocide perpétré par les nazis est unique dans l'Histoire. Cette façon d'industrialiser la mort et de déshumaniser des peuples n'a jamais été atteint par d'autres, le tout organisé par des personnes "normales" ayant les mêmes préoccupations de confort, de sécurité que tous.


Toute cette illusion commence à prendre fin, en tout cas pour Rudolph, qui, à la toute fin, lors d'une chique réception, lorsqu'il se retrouve isolé, entrevoit des images du futur. Le film se transforme alors en court documentaire dans lequel nous voyons des employées du musée d'Auschwitz passer le balais, nettoyer les vitrines. Ce lieu de mémoire nous rappelle que, malgré la défaite des nazis, le traumatisme reste profond. Même si le génocide et l'empire nazi n'auront duré "que" quelques années, il aura eu le temps de faucher des dizaines de millions de vies. Cette vision fera vomir Rudolph Höss. Venait-il de comprendre l'horreur et la vacuité de ses actes ? Nous ne le saurons jamais.


Tout ceci s'inscrit dans un contexte particulièrement tendu. En effet, l'on peut souligner le "bon" timing de sortie du film au moment d'un génocide en cours en Palestine au cours duquel la population gazaouie est particulièrement déshumanisée. Le mal, inscrit en chacun de nous, s'affranchit de toute considération sexuel, ethnique ou religieuse. Tragique ironie de l'Histoire que de voir que les victimes d'hier peuvent se transformer en bourreaux de demain.

Lexharr
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le 3 juin 2024

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