Tous les détails de la mise en scène et en mouvement servent une réflexion sur l’histoire, sur l’horreur, là où les mots nous manquent pour dire l’indicible.
Les partis pris sont forts : le « hors-champ » est derrière le mur du fond, dans le cadre. Le camp d' extermination, qu’on ne voit jamais, est omniprésent : dans les poussières, les objets, les projets d’ingénieurs, les non-dits… plus une bande-son continue, sourde et terrifiante.
Outre la photo et le son, il faut saluer particulièrement la performance des acteurs. Leur justesse et leur précision donne une vie presque aveuglante à des gens "de bonne foi", que l'on voit aussi désarticulés, gauches, abjects, veules, empruntés jusque dans leur intimité par une idéologie qui sature le « champ-in ». L’histoire les jugera finalement très ordinaires, dociles et sans vision, ce que suggère très habilement la fin du film, lorsque le personnage principal s’enfonce dans le noir...
En contrepoint, les "justes" sont filmés en négatif, avec des images très poétiques. Par de simples pommes déposées aux abords du camp, faire un geste, donner un signe ... Un cadeau fantastique pour les prisonniers qui les ont trouvées.
En clair ou en négatif, comment raconter une histoire aussi douloureuse, et qui imprègne autant nos imaginaires ? La tension dans la salle est palpable. On s’aperçoit en suivant le film qu’on sait parfaitement bien ce qui se passe de l’autre côté du mur …
Et cela nous renvoie à notre époque actuelle : comment se croire protégé par un mur ? Par des barbelés, une armée, un chef suprême ? Que faire pour conjurer les désastres qui s’annoncent, par exemple dans l’écologie ?