Une oeuvre froid sur la productivité, la notion de mérite, "l'embourgeoisement". A quel prix ?
Les conséquences : une eaux polluée, une odeur pestilentielle tout autour. Il faut mettre des fleurs pour embellir l'endroit, et même les SS seront punis s'ils coupent l'arbuste entier.
Pour garder ce petit bout de paradis il faut néanmoins côtoyer l'enfer, car l'un ne va pas s'en l'autre. L'enfer, Glazer ne va pas nous le montrer. Plusieurs cinéastes l'ont déjà fait et de nombreux de très bonnes façons.
Et donc, le paradis, il faut se battre pour le garder, car Rodolf va être muté, malgré 1demande appuyée pour y rester. Jonathan Glazer prend le parti de réhabiliter le nom de l'historique chef de camp Rodolf Höss, là où Martin Amis en avait fait un personnage, Paul Doll - une poupée - alcoolique et colérique au mariage battant de l'aile et obsédé par les nombres. Ici, Rodolf fait sciemment son travail, la conscience propre.
C'est sa femme qui se refuse catégoriquement à quitter leur paradis. Ils l'ont construit - surtout elle. Elle a son parc (construit en seulement trois ans !), un jardin botanique, ses employés serviles aux gestes millimétrés qu'on finit par engueuler quand une tâche inopportune vient déranger la propreté de la demeure.
Et c'est bien ça, sa finalité : avoir une famille, élever ses enfants avec 1chien, 1belle maison, 1potager, quitte à, s'il le faut, demander à son mari de brûler 1domestique servile. Ils ont tout. Et ça vaut bien de se passer de maquillage même si on en meurt d'envie (une femme Allemande ne se maquille pas).
Rodolf demande alors à ce que sa famille reste à Auschwitz et, si c'est accepté, il se contentera en retour d'un tout petit logement à Oranienbourg (ville qui les aurait rapprochés de leurs parents - puisque c'est si important la famille - et surtout, la demande me paraît anachronique : on parle d'un type qui va passer directeur adjoint des camps de concentration, en temps de guerre, avec une déportation en cours, je n'ose croise que l'on parle de taille de logement alors que de grands appartements sont libres et disponibles).
Ne nous inquiétons pas, ceux qui sont prêts à tout pour tout avoir ne sont pas prêts de disparaître car leurs enfants jouent déjà à mettre le plus faible en prison (la serre) et à le surveiller.
Dans tout cette ignominie de portraits, sort celui de la mère d'Hedwige (la grand-mère), à peine plus présentable, qui vient leur rendre visite pour la première fois en trois ans : elle a pleinement assimilé la propagande nazi mais sera la seule horrifiée par ce qu'il se passe là, juste à côté, derrière les murs. Celle qui n'accepte pas, c'est celle qui n'a même pas les moyens de gagner aux enchères les beaux rideaux de la juive chez qui elle faisait les ménages. La moins que rien, celle qui a beau avoir viré les juifs de son pays, elle restera au bas de l'échelon.
Sur trois narrateurs dans le livre, Glazer a fait le choix de supprimer deux points de vue (les personnages n'existent pas dans le film) dont celui d'un juif. On n'en voit qu'un (une), les domestiques que l'on pense être juive (grande, maigre, brune, frisée) sont simplement des gens du coin. Il a décidé de se focaliser uniquement sur cette famille qui a tout, qui produit et qui le fait bien, au point de mériter d'être promue, le même genre de mérite qu'une femme qui "seule" construit un parc et une serre en trois ans, sans les moins que rien, ici les juifs.
Glazer filme des nazis baignant dans les affres du capitalisme. Qu'on se le dise.