Toujours terriblement insensible au visionnage d’Under the Skin, et en position de rejet de la proposition et du style cinématographique du monsieur, c’est pourquoi la sortie du nouveau film de Jonathan Glazer ne présente pas un grand intérêt à mes yeux.
La Zone d’intérêt prend le parti pris de parler de la Shoah sans la montrer frontalement, et constamment dans la suggestion. On ne voit les horreurs du camp qu’à travers les crachats rouges et cendrés des cheminées, la démonstration par certains personnages d’une odeur pestilentielle, et l’audible machinerie de l’ensemble. Ce postulat est édifiant et marche à la perfection pendant les 20 premières minutes du film.
Les problèmes professionnels du patriarche et les préoccupations florales de la mère au foyer paraissent évidemment futiles à côté de l’horreur perpétrée de l’autre côté du mur. Jouer sur le décalage entre le havre idyllique du foyer allemand, et l’inhumanité proférée dans l’enceinte du camp, c’est un procédé fonctionnel mais très éphémère.
Passé ce postulat de base, le film est d'un ennui profond, et d'un désintérêt scénaristique progressif. Sans compter que l'aspect quasi-documentaire, que dis-je, chirurgicale de la mise en scène révèle la pauvreté cinématographique abyssale de l’œuvre. Les rares procédés de mise en scène utilisés (comme les séquences filmées en négatif, les maigres travellings latéraux, ou le flashforward final) sont assez éculés et impertinents.
Un film doit montrer au lieu de dire, sauf qu'ici, il ne montre rien, et ne dit pas grand-chose. C'est son parti pris, je l'ai bien compris. Mais ce n'est pas ce que j'attends d'un film, qui plus est, de ceux qui adoptent ces sujets.
Parfaitement conscient de la volonté du cinéaste d'interroger sur la banalisation de l'horreur qu'était la Shoah, je trouve encore une fois le procédé bancal. Évidemment, le réalisateur tente de faire ressentir au spectateur la même “habitude” à l’horreur que celle qu'ont les nazis du film. Seulement, le film dissimule constamment toute expression concrète du génocide à l’image, pour asséner la morale au spectateur, à la fin du film, de faire attention à ne pas s’habituer (comme la famille allemande) à banaliser l’horreur qui se déroule sous leur nez. C’est étonnamment paradoxal, mais c’est pourtant le sens des scènes dans le présent.
Des agents d’entretien effectuent leurs tâches dans ce qu’est devenu le camp d’Auschwitz avec la même habitude et déconnexion qu’avaient les habitants de la zone d’intérêt. Le film nous dit de faire attention à ce que cette horreur ne devienne pas banale, sauf qu’il s’évertue à la banaliser constamment. Il ne se donne pas les moyens pour appuyer la pertinence de ce qu’il veut dire au spectateur. C’est le serpent qui se mord la queue.
Il n’y a rien de fondamentalement mauvais dans ce film, mais la fébrilité du procédé, et l’incohérence du propos me posent problème. Dans l’incompréhension du déluge de louanges lui étant adressée, le film me laisse sur le côté.