Dire n’importe quoi est à la portée de tous. Mettre en scène est une affaire intellectuelle. Dire et mettre en scène de manière juste n’est pas à la portée de tout le monde. Il me semble nécessaire de rappeler que s’attaquer à un sujet comme Auschwitz avec le genre expérimental est une grande idée de mise en scène. On ne peut pas comprendre et ressentir ce qu’on vécut les juifs au camp d’Auschwitz mais on peut toujours écouter et accueillir.
Le double dispositif sonore et visuel nous donne l’impression de deux films se jouant simultanément. En ce sens, le film est une réussite autant sur le plan visuel que sonore. La caméra, placée aux quatres coins de cette maison, nous donne l’effet d’une prison sous surveillance. Le réalisateur enferme ses personnages et les laisse évoluer en filmant les habitudes quotidiennes. Même en ne montrant jamais les pires atrocités : éxecution, crémation, torture, la bande sonore nous suggère une terrible violence. Le mal est commis à la fois devant la caméra et en hors-champ poussant le spectateur à l’écoeurement. Le tout appuyé par de la musique ambient en guise d’entrée en matière. J’ai rarement été aussi mal à l’aise au cinéma.
Alors que les 20 premières minutes nous apparaissent extrêmement perturbantes et troublantes, le film nous habitue progressivement au quotidien de la famille. Il en ressort alors une étrange banalité, le sentiment que la vie suit son cours dans un paysage de vanité. La référence au monde contemporain est très bienvenue. Elle crée une véritable pause dans le récit et fait appel à une histoire mémorielle collective.
Jonathan Glazer réalise l’un des meilleurs films de ce début d’année et oui on a le droit d’aimer un film qui traite de la Shoah, surtout quand c’est un film comme ça !