Le pari du film La zone d'intérêt était osé: partager pendant 2 h l'horreur de l'Holocauste, mais filmée hors champ, vue de la maison mitoyenne du commandant du camp d'Auschwitz, Rudolf Höss, séparée par un seul mur.
Dans cette "maison du bonheur", comme dit la belle-mère, de jolies fleurs poussent, une serre lumineuse, un jardin luxuriant, des arbres, le chien qui va chercher la baballe, même la piscine avec toboggan pour la famille. Et de belles ballades à cheval alentour, près de la rivière.
What else! Contraste saisissant et tragique entre les 5 enfants blonds du couple, tout proprets, bien coiffés, qui se préparent consciencieusement chaque matin pour aller à l'école et les cris et hurlements d horreur de ceux qu'on entend, tout près, sortir des wagons plombés... Mais aucune d'image choc, aucune musique dramatique.
Juste des évocations sonores un peu étouffées, des cris, des chiens qui aboient, des hommes qui hurlent des ordres, des coups de feu, des fumées qui font tousotter la belle-mère qui se repose dans un transat. Une ambiance lourde, glaçante malgré le beau temps permanent .
Une réunion des hauts dignitaires nazis pour évoquer "techniquement" l'élimination de 700 000 juifs hongrois est filmée comme un reportage, froid, factuel.
C'est le choix du réalisateur de filmer souvent en plan fixe, comme si nous assistions, témoins passifs à cette "banalité du mal" qu évoquera Hannah Arendt, plus tard pendant le procès Eichmann.
S'il n'était ce contexte de génocide, là, tout près, terrifiant, de l autre côté du mur, on assisterait presque à l'histoire banale d'un couple qui s'installe dans une magnifique maison de la Riviera, se préoccupe de l'avenir des enfants, organise de joyeux anniversaires, prenant le soleil ou se baignant à la rivière, et qui s'inquiète de la promotion du mari qui suppose un prochain déménagement. Alors, comme spectateur, au bout d'un moment, oui, l ennui s installe un peu.
C'est peut-être l'objectif du réalisateur: nous faire réfléchir sur notre aptitude à accepter l'horreur, et, peut-être aussi notre capacité à s'y opposer?
Éternelle interrogation !
Alors, pari réussi ? Les avis sont partagés.
Mais en attendant, vive le cinémâââ, toujours 👍👏