Lucien, petit garçon de ferme, qui va découvrir le sens de la vie, s’émanciper, et partir à la ville. Lucien s’ennuie à la ferme, se fait chier à nettoyer les chiottes dans l’hospice du village. Il veut réussir dans la vie. Il prend son vélo, et va faire un tour. Et là, tout se gâte. Au départ, il voulait s’engager dans la résistance, mais on ne veut pas de lui. Trop jeune, inexpérimenté. Les collabos eux, ils ne vont pas faire le difficile. Lucien à l’avantage d’être (très) bête, et discipliné. Il s’engage dans la police. Il fait tout ce qu’on lui demande, et sort sa carte de visite, à tout bout de champ en disant : « Police allemande ! » Évidemment les films sur les collabos sont de loin les plus intéressants. Les moins faciles, les plus questionnant. Pourquoi il a fait ça ? Et pourquoi pas ? Lucien c’est un cas d’école de la bêtise de la jeunesse, donc inconsciente des risques, rien à perdre. Il s’installe comme un parasite dans la planque d’une famille juive, en les mettant clairement en danger par ses allées et venues, mais il s’en fout. Il tombe amoureux de la fille juive, (ravissante blonde !). Passe à son QG à l’occasion, il faut bien bosser ; tombe en plein milieu d’une séance de torture, qui le laisse froid. Pourquoi ?


  Il reçoit la visite de sa mère qui s’inquiète pour lui. « Il vont te fusiller, Lucien ! » Et oui. Tout le monde sait que la guerre est finie. On nous le dit depuis le début du film. Les américains vont bientôt débarquer, ce n’est qu’une question de temps. Mais pourquoi il ne fuit pas en Espagne ? Tout le monde, le lui conseille. Il faut vraiment être bête au dixième degré pour enter dans la : « Police allemande ! », à la fin du bal. Les allemands sont fichus ! Alors pourquoi ce petit con a-t’il fait ça ? C’est un vrai suicide. Complexe ce Lucien, plus complexe qu’il n’y paraît. Un ours.


  Il parle mal, mange mal, drague mal, il a des mains de garçon de ferme, parle avec son corps, par gestes, n’a aucun sens de la hiérarchie, des convenances. C’est un garçon complètement à la dérive. Un animal. Plus tard, il aurait été blouson noir. Au début du film, si les résistants l’avaient accepté dans leur rangs, il aurait fait exactement la même chose, mais de l’autre côté. Ce n’est pas un homme, il n’a aucune conviction. L’armée allemande, la guerre, tout ça il s’en fout. Il a seulement l’ambition de la jeunesse, et aucun talent particulier. Enfin si, Il tire bien au fusil. Il veut seulement devenir quelqu’un, à n’importe quel prix, et vite !


   La feinte de Louis Malle est géniale. Il le dépeint comme un être ombrageux, tout en demi-teinte. On aurait aimé le détester, Lucien. Joué par un acteur amateur ou inconnu, dont la naïveté de jeu donne une force incroyable au personnage. Et ça crève l’écran. On le traite de pauvre type, mais la vérité n’est pas là. On n’a pas besoin de conviction pour faire le mal. Il suffit d’être prêt à tout, et tomber sur la mauvaise personne, ou dans le mauvais camp. Certains seront assez naïfs pour donner leur âme au diable, contre un peu d’attention, un minimum de respect. Un film criant d’actualité ce Lacombe Lucien. Beaucoup de gens ont étés surpris de voir la jeunesse, et le regard innocent de ces kamikazes qui se sont fait sauter au milieu de badauds, ou transformés Paris en zone de guerre, en massacrant méthodiquement, en plein concert au Bataclan. Pourquoi ? Avoir les mains pleines de sang, et la tête vide, c’est possible. On voit ça tous les jours dans les pays en guerre.


   Lucien ne dit jamais rien, parce qu’il ne pense pas. Il agit. Il fait ce qu’on lui dit. Et cette fin, qui nous laisse seuls avec lui, en pleine campagne. Comme pour une partie de campagne. Loin de la guerre. On part piqueniquer. Le film devient contemplatif. Lucien est devenu résistant sans s’en rendre compte. Il a sauvé la fille qu’il aime, et s’est enfuit dans le maquis. Non. Il ne fuit pas, en fait. Il fabrique un piège à lapin, en mâchouillant un brin d’herbe. Mais pourquoi il ne fuit pas ? Un petit animal que ce Lacombe Lucien, un enfant. Il ne fuit pas, il dort.

Angie_Eklespri
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le 15 déc. 2015

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