Découvrir un nouveau film de ce type là, c'est toujours un petit moment de recueillement jouissif devant ce ton presque professoral et ce don incomparable de la narration, prenant le temps méticuleux de placer une intrigue parfois savoureuse, de tailler quelques personnalités fortes et attachantes et d'organiser savamment un enchaînement de situations tantôt comiques, tantôt épiques, ne quittant jamais cette affection d'une histoire bien contée.
Des Liu Chia Liang, j'en ai vu un paquet, et ce n'est pas pour rien que j'estime ce type au même niveau que Sammo Hung pour ce qui est de la réalisation et de la chorégraphie, loin là haut, au panthéon de l'art de la virevolte déchaînée. J'ai une affection toute particulière pour le bonhomme, et il faut dire qu'il sait y faire, proposant un sens de la mise en scène martiale séduisant, laissant apparaître un intérêt amoureux pour l'art dont il parle, témoignant d'une intelligence captivante.
Le gars ne se contente pas de te montrer une suite de baffes, il s'attache à dire quelque chose derrière, et on ne saurait exprimer combien c'est louable.
Pour cette fois, on part dans un conflit familial, certes classique mais parfaitement bien mené, terrain propice pour les comiques de situations habituels et galeries de personnages tant loufoques que sournois. Un vieillard sur la fin de sa vie prend comme épouse Cheng, une jeune employée, pour lui confier son héritage et éviter qu'il ne tombe dans de mauvaises mains. La jeune femme se trouve devenir une "doyenne" de fortune méritant le respect improbable d'un neveu qui pourrait être son grand père, délicieusement campé par Liu Chia Liang lui même, toujours aussi génial dans ses rôles de croulant dissimulant une force de frappe détonnante. D'abord perdu dans ce nouveau rôle familial, la donzelle, soudainement révélée arme de destruction massive au charme tout aussi imposant, prend très vite son assurance et commence à dicter sa loi, aussi dévouée à servir les voeux du défunt qu'à entretenir merveilleusement son orgueil à coups de tatane ravageuse.
On retrouve encore une fois tout ce qui fait la sève d'un excellent film du maître, plaçant une situation turbulente ne cessant de taquiner ses personnages en constante rivalité violente et douce affection dissimulée. On retrouve un peu de ce qui faisait la saveur de "Heroes of the East", l'affront des sexes opposés et des nationalités se muant ici dans le conflit des générations chamboulées et des séductions tiraillées, gardant cette profonde et touchante bienveillance pour ces portraits affectueusement tourmentées.
Bien sûr, on a aussi ici l'épique qui succède au comique et le final de castagne s'étendant sur près de 40 minutes, les jeunes ouvrant la danse, les ancêtres déboulant pour achever le tout en apothéose tourbillonnante. Encore une fois, c'est un de ces films devant lesquels j'espère à chaque scène que ce ne sera pas la dernière, tant les séquences se succèdent à la perfection et l'attachement aux figures défilantes brille d'efficacité poignante.
Lady Kung Fu (ouais par contre le titre est naze) a bien entendu en plus la particularité définitivement trop rare de mettre en avant une héroïne féminine mettant à mal en quelques claques quelques troupeaux d'individus avides avec toute la classe du monde, et dans ce registre, c'est pour l'instant à mon sens l'un des plus réussis. Quel charme cette Kara Hui. Et quelle maîtrise. Quel charisme quoi.