Lady Vengeance achève de me convaincre que Park Chan Wook est sans doute une fraude du cinéma coréen actuel. Ou peut-être, son réalisateur le plus inconstant, et le plus faussement intellectuel. J'attends de visionner encore JSA et Mademoiselle pour me faire un avis définitif sur l'oeuvre du monsieur, mais c'est avec une franche déconvenue qu'il termine ici sa "trilogie de la vengeance".


Pendant deux heures interminables d'une narration saccadée et sans aucun rebondissement (le scénario tient sur un mouchoir), Park nous inflige ses plans minutieusement cadrés dont l'inertie finit par endormir le spectateur. Certes il y a quelques éclairs de génie, mais ô combien trop rares et esseulés dans cet océan de monotonie morbide.


Mais au-delà de la mise en scène, je me demande surtout quel message le réalisateur souhaite faire passer à travers ce film, et plus largement sa trilogie. Un rapide tour sur sa page Wikipédia m'a appris qu'il avait suivi un cursus en philosophie pendant ses études. Et effectivement, il s'en ressent dans ses films, assez sincèrement, une volonté de faire quelque chose d'intelligent. Mais cette volonté, et c'est là mon avis personnel, ne se voit jamais concrétisée du fait du manque d'empathie dont souffrent tous ses personnages, sortes de poupées de chiffon dépossédées de tout sentiment propre. Park leur colle sur le front des concepts qu'il souhaite les voir incarner, mais il ne se donne pas la peine d'y parvenir lui-même, par son travail de metteur en scène, de scénariste, de dialoguiste. Il pense que ses acteurs, par une immanence secrète, vont lui apporter toute faite l'émotion et la sensibilité dont son travail manque cruellement (et ils y arrivent en partie, les pauvres...). C'est là je crois le gros point faible de tous ses films, y compris d'Old Boy, dont c'est le seul néanmoins qui parvient à toucher quelque chose de plus vrai que les deux autres long-métrage, pour une raison qui m'échappe.


Ce défaut majeur pousse le film dans ce qu'il souhaite ne pas être : un bain de sang choquant et sadique, dont rien ne vient réellement justifier l'existence. Ce n'est pas un problème lié à la barrière entre les cultures, le thème de la vengeance étant l'un des plus universels qui soit. C'est un problème lié au traitement de ce thème, et à l'exécution de la réflexion que Park tente d'y apporter. Les hauts le coeur se succèdent donc pour aboutir à la sublime boucherie finale, sorte de vendetta collective débridée sous l'oeil attentif du flic désabusé (dont la relation avec l'héroïne n'est d'ailleurs jamais expliquée) et qui sonne terriblement faux. Le sadisme au cinéma est un outil extrêmement délicat à manier tant il requiert toute la dextérité et l'intelligence de celui qui l'emploie pour faire sens ; et dans ce cas précis, c'est un échec total.


Et encore, si la scène finale eût été un brin plus compréhensible, peut-être que mon avis sur le film en aurait été modifié ; mais là, c'est à la limite faire insulte au spectateur que de lui infliger cette pantomime grotesque d'entartrage sous la neige et de le qualifier de conclusion.

grantofficer
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le 19 juin 2020

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