HK Video a eu l'excellente idée de rééditer en coffret collector l'intégrale de la saga Lady Yakuza, dont certains volets sont devenus relativement introuvables. Lady Yakuza est une série-charnière pour la Toei, située entre la période de fin des grands films de studios des années 1963-1964 et les débuts du cinéma d'exploitation avec notamment le Toei Porno (fin 60's, début 70's) ou encore le renouveau du genre des films de yakuzas avec la série des Battles Without Honour (1973-1976).
Qu'on ne s'y méprenne pas, Lady Yakuza est tout à fait classique dans sa forme et présente du pur Ninkyo-eiga, ce genre de cinéma chevaleresque mettant en scène des yakuzas fidèles à un code d'honneur, opposés à ceux qui enfreignent les règles de leur monde. Le choix de situer l'histoire au milieu de l'ère Meiji (1868-1912), une période de profonds bouleversements dans la société japonaise tiraillée entre son passé féodal et autarcique, et une modernité à marche forcée ouverte sur l'Occident est particulièrement pertinent pour illustrer les changements qui affectent le milieu fermé des bakuto (le monde des joueurs), les ancêtres des yakuzas.
La Pivoine rouge est incarnée par Junko Fuji, une actrice connue de la Toei qui en 1968 possède déjà une belle filmographie, dans laquelle elle a surtout tenu la réplique et joué les love affairs des grandes vedettes -- masculines -- du studio comme Ken Takakura ou Koji Tsuruta, deux acteurs que l'on retrouvera dans des rôles secondaires dans la saga Lady Yakuza (tout comme Bunta Sugawara une autre vedette du studio ou Tomisaburō Wakayama un visage connu des cinéphiles). Une jolie forme d'inversion des rôles. Ce premier volet réalisé par Kōsaku Yamashita place cette héroïne au centre de conflits entre clans rivaux. Dans une société en putréfaction, où la cupidité des hommes conduit à la trahison, l'assassinat et à l'exploitation, la Pivoine rouge tranche par sa droiture, sa sobriété et sa force de caractère qui lui permettent de tenir tête aux yakuzas qui eux ont dévoyé toutes ces valeurs chevaleresques. Alors film précurseur ? Héroïne moderne ? Incursion féministe dans cet empire du mal ? Un peu de tout ça en effet.
La réalisation est très propre, posée, et fleure encore bon le cinéma de studio.
Au final, un 6/10 qui peut sembler sévère au regard de l'affection que je porte à cette série, mais force est de reconnaître que les épisodes suivants sont d'un niveau supérieur.