En sortant de la séance, je n'ai pas pu m'empêcher de penser que L'Aigle et l'Enfant réussit magistralement là où les récents Disney en live action ont partiellement échoué. Après tout, avec la bouille de Mowgli du jeune acteur principal, le rapprochement s'impose quasi naturellement. Autant j'ai bien aimé Le livre de la Jungle, autant j'ai été légèrement refroidi par sa direction artistique rentrant parfois dans l'Uncanny Valley animale (rigidité des mouvements, attitudes qui frôlent parfois l'anthropomorphisme...). Et c'est en voyant cette très belle fable mettant en scène des animaux sauvages que cette impression initiale s'est confirmée.
Au début j'avais un peu peur que le film se cantonne à une sorte de reportage animalier scénarisé. Mais s'il y a effectivement un ancrage dans la réalité de la vie d'un aigle, il y a également une vraie direction d'"acteurs" au service d'une aventure plutôt attachante; un peu comme les Deux frères le faisaient avec des tigres, mais en mieux.
La star est donc définitivement Abbel, cet aigle royal qui gagne notre attention dès sa sortie de l’œuf. C'est avec lui que le film décolle et que la magie ambiante atteint son paroxysme. L'Aigle et l'Enfant, non l'Enfant et l'Aigle. Tombé du nid en étant poussé par son frère Caïn (ça ne s'invente pas), l'animal blessé a été recueilli par le jeune Lukas. Nous assistons donc à ses tout premiers instants de vies. Ses premiers vols, ses premières chasses, son émancipation. Quelques parallèles avec son frère émaillent le récit en installant une petite tension. Rivalité ? Cohabitation ?
Sans être cynique, je trouve même que les animaux ont un jeu bien supérieur aux êtres humains qui les côtoient. Tous les passages père-fils sonnent terriblement faux, mais sont fort heureusement suffisamment anecdotiques pour ne pas devenir insupportables. Manuel Camacho (Lukas) sort un peu son épingle du jeu en montrant une certaine connexion avec l'animal. C'est presque un habitué du genre puisqu’il avait déjà partagé l'affiche avec une bête sauvage dans L'Enfant loup, film du même Gerardo Olivares sorti six ans auparavant. Quant à Jean Reno, pour rester sobre je dirais que je le préfère narrateur qu'acteur. Son timbre de voix accompagne bien les scènes purement animalières, mais son faciès figé et la post-synchro moyenne érodent le charisme de son personnage dès lors qu'il apparait à l'écran.
La réalisation, évidemment aérienne, capture superbement les décors naturels. On sent l'envie de partager toute la beauté émanant de ces paysages apaisants. Il y a aussi des plans très majestueux qui nous placent toujours au plus près des rapaces, notamment certains passages inédits "en GoPro" où on les voit attaquer en piqué. Des purs instants de grâce qui dépassent la simple prouesse technique. À cela s'ajoute un sens du montage et des cadres précis qui confèrent une vraie personnalité à l'ensemble des animaux de la forêt qui viendront croiser la caméra. Je pense par exemple à l'arrivée glaçante d'un hibou qui prend des airs de créatures terrifiantes. Et c'est exactement tout ce qui me plait dans ce film. Il saisit une réalité en utilisant des artifices qui semblent non intrusifs. Il nous laisse constamment cette impression d'être uniquement des témoins privilégiés.
Plaisir des yeux, douceur onirique capturant la nature sauvage sans la dénaturer, preuve vivante qu'il est possible d'y appliquer solidement des codes cinématographiques, L'Aigle et l'Enfant est une réussite à plus d'un titre. Quelques points viennent malheureusement noircir le tableau, mais ce n'est pas suffisant pour gâcher l'expérience.