"Laissez faire les femmes !" ("Les Enfants de la chance", littéralement, en VO allemande) est un drôle de mélange, une hybridation curieuse, comme si le cinéma allemand pré-Seconde Guerre mondiale des années 30 avait absorbé la screwball comedy américaine contemporaine. C'était d'ailleurs dans les intentions de Goebbels, à l'époque, de favoriser un cinéma essentiellement tourné vers le divertissement, éloigné des considérations géopolitiques pragmatiques de l'Allemagne d'alors, comme pour détourner le regard. Une consigne respectée (ou appliquée sous la contrainte) à la lettre, en l'occurrence, au point de positionner l'action et les acteurs, tous allemands, à New York. Aucune référence à l'Allemagne ici, en dehors de la langue et de certains acteurs célèbres à l'époque.
On est toutefois loin du pastiche de comédie hollywoodienne que de telles dispositions pourraient laisser supposer, et même si on n'est à aucun moment proche des satires sophistiquées à la Lubitsch, on ne peut pas dire qu'il s'agisse d'un film réductible à sa dimension d'imitation. Les premières séquences mettent un certain temps à insuffler le bon rythme à l'action, hésitante et pataugeante dans les bureaux d'un journal (américain, donc), mais dès le voyage forcé au tribunal qu'un journaliste est censé documenter, le film prend son envol, et avec lui la comédie. Il ne quittera jamais vraiment le sillon de l'artifice et du malentendu dans lequel il s'engage à ce moment, alors que le journaliste monte à la barre pour protéger une femme apparemment errante et sous le coup de la loi... en la demandant en mariage, spontanément, par pur altruisme et pour la sauver de son pétrin.
Lilian Harvey et Willy Fritsch sont plutôt convaincants dans le rôle des époux malgré eux, et la comédie joue énormément sur la superficialité de leur relation. La répartie des personnages (ou du moins la traduction qui en est faite) n'est pas aussi cinglante et dynamique que chez Lubitsch, au hasard, mais les joutes oratoires conservent une certaine vigueur. On peut aussi relever l'évocation des codes de censure qui avaient cours aux États-Unis depuis 1934 : les amants vont jusqu'à dormir dans deux lits différents mais côte à côte, séparés par une rangée de cactus posée là chaque soir. Le film s'essouffle ensuite un peu lorsque ce marivaudage se dilue dans une autre histoire, liée à la mystérieuse disparition de la nièce d'un magnat du pétrole. Une comédie pétillante, malgré tout, indépendamment de son contexte de production si particulier.