Agneau daubé

Il est des sujets si extravagants que la fiction elle-même parvient encore à surprendre. Un imaginaire si biscornu qu’il nous étonne encore : Lamb narre l’histoire de la naissance d’un être mi- humain mi- agneau dans des conditions étranges. Un couple décide de l’élever comme son propre enfant.

Le film braque ses projecteurs sur un couple d’agriculteur avec ses désillusions dans un quotidien terne qui engendre une mélancolie robuste. Pourtant, le réalisateur place les différents personnages dans un univers qui respire la liberté : le cadre détient de vastes espaces verts, une maison chaleureuse, un silence revigorant que l’on ressent aisément lorsque le vent fait danser les herbes et les arbres. Et c’est le récit qui établit un dialogue entre ces deux altérités car seule l’ultra solitude du couple altère le sentiment de plénitude qui s’échappe de l’écran. En dépit de son manque d’originalité, ce sujet reste fertile : un couple dont l’amour se fracasse contre le mur de la vacuité, la difficulté du travail agricole, mais surtout l’envie de transmettre une tendresse parentale sans en avoir la possibilité. En ça, le cadre bucolique de l’œuvre est saisissant.

Reste donc l’indicible erreur de la nature, mais la partition devient plus délicate lorsque l’attention portée au désarroi mute vers l’étrange. Le plan de l’écriture s’embourbe en effet dès l’arrivée de ce qui fait pourtant son identité. Au moment précis du traitement inégal de ce conflit entre un univers réaliste et un univers fantastique-horrifique. La naissance de l’hybride se fait, et l’adoption commence. Il sera alors question de savoir si une telle créature peut être considérée comme un enfant. Elle est habillée comme tel, dorlotée comme tel. Et les nouveaux parents comblent indéniablement un immense vide émotionnel et sentimental. Mais cette aventure, relativement mince, restera constamment coincée dans ses thématiques sans jamais y apporter une réponse. Il ne demeurera que le caractère singulier de la situation. De voir un agneau bipède, une mignonnerie absolue, prendre une place décentrée dans le réalisme.

Le procédé est si étrange qu’il rappelle les œuvres de Quentin Dupieux. On aurait d’ailleurs pu lui confier le projet, lui qui a réussi à mettre en scène l’histoire d’un pneu vivant et l’éducation d’une mouche géante par deux débiles. Car le problème est là : la bizarrerie chez Dupieux tenait son sujet et allait au bout de son traitement. Avec Lamb, les perspectives de développement de l’intrigue s’effacent au point de céder à un formalisme bien fade. Cet échec dans la construction des relations fait ainsi paradoxalement du film une banalité absolue.

Conclusion :

Si l’on décèle facilement les intentions du film, le résultat reste encore assez scolaire. La faute à un manque de personnalité à tel point que Lamb n’enclenche jamais véritablement sa confrontation loufoque avec l’étrange. Pourtant, on ne demandait qu’à revivre la puissance du non-sens comme ce fut le cas avec des œuvres comme Rubber ou Mandibules.

What is this ?
Happiness…