Quelle belle surprise de tomber par hasard sur ce film perdu...!
Désir, Virginité, Curiosité, Amour, Imprudence ... Dans le coeur de Lamiel, pas de place pour la vertu. C'est ce que le docteur Sansfin lui explique à propos de l'Amour qu'elle veut tant connaître : il faut prendre des risques, il faut oser. Et la voilà qui ne vit plus que pour ça, et qui va jusqu'à payer un jeune homme pour qu'il lui fasse l'amour. Toutefois, après leur rendez-vous nocturne, elle est déçue que l'Amour soit si peu de choses. Elle veut en connaître davantage....
Pour le rôle de Lamiel, Anna Karina incarne une jeune fille extraordinairement belle et fatale, sous des traits angéliques encadrés par une chevelure merveilleusement ondulée et épaisse... Mais, bien qu'elle ait tout pour être la parfaite princesse de conte de fée, elle représente en vérité la part obscure des jeunes filles, de toute condition et de toute époque : celle du désir ravageur d'aimer, et le refus brutal de l'ennui. C'est donc naturellement qu'une fois mariée et morte d'ennui, elle prend des amants qui l'ennuient aussi. Mais, puisqu'elle admire par dessus tout les voyous et les bandits pour leur courage, elle semble avoir une idée claire de ce qu'il lui faut pour vibrer, et ce goût singulier se confirme quand elle en rencontre un pour de vrai. Lamiel est donc une héroïne moderne, car dans un siècle (le XIXème) où les femmes avaient si peu de liberté, elle se les octroie toutes et ne s'en cache pas.
Son désir irrépressible de vivre intensément la conduira à une histoire d'amour qui lui sera, à son image, fatale. Pourtant, jusqu'au bout, Anna Karina brille dans ce rôle de paysanne qui, devenue comtesse, trouble les uns et les autres par sa franchise, sa sensualité et sa liberté sans jamais perdre sa dignité, par des regards en coins d'une expressivité poignante et soulignés de noir, rappellant que ce film date des années soixante ... La nouvelle vague contribue donc à la modernité de ce film d'époque dont l'histoire est issue d'un roman inachevé de Stendhal.
Ce film n'a par ailleurs rien à envier, en terme de subversion, à, par exemple, Marie Antoinette de Sofia Coppola, car certaines scènes, comme celle où Lamiel est dans sa baignoire, sont d'un érotisme et d'une espièglerie inoubliables. De plus, les costumes et les coiffures mettent tellement en valeur Lamiel qu'elle semble être une étonnante reine...