"Une femme entre deux hommes, un classique du film noir avec la rousse Rita Hayworth"
Enfant, je lisais cette phrase avec l'envie dévorante de voir un jour ce film de grands. C'était la légende d'une photo - que mon père avait affiché sur le mur de la cuisine après l'avoir découpé dans un journal - , sur laquelle je pouvais voir Rita Hayworth, les épaules blanches et nues, à demi allongée, une cigarette à la main, les yeux mi-clos et les cheveux bouclés en une mousseline exquise ... Son air alangui m'attirait irrésistiblement vers le mystère de la femme.
C'est donc plus de dix ans après que je découvre enfin ce splendide film à l'actrice envoûtante.
Si sa candeur et son cynisme font d'elle la quintessence de la femme fatale, elle reflète également, de même que son corps vêtu de sequins miroitants, la peur déraisonnable causée par la jalousie, ainsi que l'impuissance et la possession que veulent exercer les hommes sur elle. Victime de sa beauté, elle est destinée à être emprisonnée par l'un puis par l'autre qui l'y aide, jusqu'à vouloir la posséder à son tour en l'enfermant encore davantage.
Gilda, pleine de vie et de lumière quand elle danse avec ceux qui l'invitent le soir sous les yeux de son mari et de son ancien fiancé, devient, quand elle rentre chez elle, une femme obscure. Dans une scène où elle est allongée sur son lit, elle parle avec son mari et son visage se pare alors d'une ombre si intense qu'on en distingue à peine les contours et que seuls scintillent ses yeux, témoignant de son âme lumineuse malgré les ténèbres dans lesquels son mariage la plonge.
L'image et les mouvements de caméra sont d'une parfaite maîtrise et le noir et blanc semble être un choix tant il sert à contraster l'ombre de la lumière.
Le film passe sans susciter le moindre ennui, car il est parsemé d'éléments récurrents comme ce joueur éploré qui siège tous les soirs au casino, ou bien le drôle de coiffeur-philosophe qui a toujours le bon mot, et les danses et les chants de Gilda nous sortent de la noirceur du film lors de scènes fascinantes.
Jouant savamment avec le code Hays, Gilda nous dévoile bien plus que des parts du corps de celle-ci, il nous montre la puissance d'une femme qui, bien qu'elle soit sous le contrôle de deux hommes, trouve toujours le moyen de s'échapper un temps en exhibant son indomptable nature.
Par sa frivolité, elle incarne tantôt l'allumeuse, la femme adultère ou la femme provocante.... mais à ma grande surprise, j'ai fini par découvrir tout simplement une femme amoureuse.