Au bout d'une heure de film, alors que je prenais ma pause clope syndicale, j'étais enthousiaste. La beauté de Rita m'enivrait, l'atmosphère délétère qui se dégageait du casino clandestin et des relations nimbées d'un mystère malsain entre les trois personnages principaux m'intriguait, l'intrigue policière dans un contexte géopolitique original promettait, l'équilibre entre tension sexuelle et humour était respecté. Au fond, mon seul reproche se portait sur Glenn Ford, sa laideur et son manque de charisme ne lui permettant pas d'être franchement crédible dans son rôle.
Ce n'est que quelques dizaines de minutes plus tard, lassé par des péripéties "je t'aime, moi non plus" vite répétitives et par un arrière-plan interlope relégué au rang d'accessoire scénaristique sous-exploité, que j'ai dû me rendre à l'évidence. Ce film n'est pas le polar vénéneux que j'espérais. Ce film est un mélodrame.
Oh, je sais bien que cela ne constitue pas un défaut en soi, Hitchcock utilise d'ailleurs le même procédé de détournement des codes du film noir au profit d'une histoire d'amour dans ses Enchaînés, œuvre que j'adule.
Seulement, cette variation sur le thème intemporel de l'amour-haine échoue à être passionnante ou troublante, la faute à un scénario finalement fort simplet et niais (la palme du cucul revenant à la fin, risible), et à des personnages dont l'épaisseur psychologique frise l'anorexie.
Restent Rita (je n'ose imaginer quelle note j'aurais attribuée si son rôle avait été confié à une disgracieuse quelconque), sublime et torride de bout en bout, qui s'illustre de plus dans quelques forts sympathiques numéros musicaux, un ou deux personnages secondaires plaisants, et quelques jolies scènes.
Cela ne pèse malheureusement pas bien lourd, d'autant plus que le potentiel était énorme.
Déception, quand tu nous tiens.